« L’influence, le nouveau maître mot ? »
Laurent Moisson, cofondateur des Forces françaises de l’industrie « Nous avons quitté l'ère de l'objectivité pour entrer dans celle, plus floue, de l'influence. Pour convaincre, les “statuts”, certifiés par des diplômes et par des positions hiérarchiques, une expérience validée, des expertises reconnues ainsi que tous les éléments qui apportaient de la légitimité jusqu'alors ne suffisent plus. Ils comptent encore, certes, mais moins qu'avant. Il faut désormais “inspirer”. Or l'inspiration est une matière évanescente. Elle se nourrit de récits, d'émotions, de sentiments et de tant de choses qui ne durent pas, qui se prouvent mal, qui se justifient difficilement. Tenter de convaincre avec des chiffres et des raisonnements logiques, imparables, est moins performant aujourd'hui que de le faire en racontant de belles histoires. Mais attention ! La transparence imposée par des médias sociaux qui n'hésitent plus à libérer des informations et des photos que les entreprises pouvaient encore cacher il y a quelques années impose que ces histoires s'appuient sur des fondements réels. On ne peut plus proclamer des valeurs qu'on n'applique pas en interne sous peine de “bad buzz”. Il faut donc aligner les marques commerciales et les marques employeurs, et travailler sur des raisons d'être qui s'appuient sur l'utilité des entreprises pour construire leur imaginaire. Valoriser des métiers, un secteur, une entreprise, un produit passe aujourd'hui par une alchimie mêlant la narration à la preuve, l'argument objectif à l'émotion. Nous sommes à l'ère où la science doit s'associer à l'art pour s'imposer, le fait à l'émotion, le réel au spirituel, la preuve au rêve. Il va falloir apprendre ces nouvelles techniques d'influence et les appliquer aux mondes des RH, du marketing et de l'innovation. L'ingénieur doit devenir “story teller”. »