Technologie / Mécanique
Someflu donne un nouveau souffle à sa R&D

Someflu donne un nouveau souffle à sa R&D
Sur la porte d’un des bureaux du laboratoire LIFSE du campus Arts et Métiers de Paris, une affichette annonce la couleur: «Someflu».Dans ce vaste espace lumineux, trois ingénieurs en «contrat France Relance» travaillent au quotidien pour Someflu, une PME francilienne qui a décidé de profiter du dispositif de «préservation de l’emploi R&D» pour mettre un grand coup d’accélérateur à ses projets d’innovation et développer les pompes du futur. Lire la suite...
Eric Roubert
Someflu est une PME d’une soixantaine d’employés spécialisée depuis plus de 60ans dans la conception et la fabrication de pompes anticorrosion en plastique ou en acier. Alexandre Lacour, à la tête de l’entreprise familiale dont il incarne la troisième génération aux côtés de son frère Thomas, est un homme de conviction, engagé dans les transformations tant techno-industrielles que sociétales et écologiques.«Notre activité nous positionne à un carrefour entre industrie extractive et industrie de process, indique le dirigeant. Exploiter les ressources, tout en préservant l’environnement, cela impose de penser et de piloter des vraies transformations qui passent nécessairement par l’innovation et l’exploration.»
ÊTRE ACTEUR D’INNOVATION ET CONTRIBUER AU BIEN COMMUN
Someflu fait effectivement un peu figure d’ovni dans un secteur qui a subi une forte concentration des acteurs. «Nous avons fait le choix de conserver la maîtrise de notre destin autant que possible, en préservant un capital familial. C’est la seule option pour défendre les valeurs qui ont toujours guidé l’entreprise», explique sereinement Alexandre Lacour. En conséquence, il assume :« Dans une PME comme la nôtre, nous n’avons pas assez d’argent ni de temps pour prendre le risque de partir d’une page blanche en termes d’innovation. Il faut aller chercher ailleurs les expertises. On peut éventuellement en trouver auprès d’une start-up, même si ce n’est pas si évident, ou bien on peut la construire en s’appuyant sur les ressources de la recherche publique. » Pour ce jeune dirigeant engagé, il s’agit «d’être acteur d’innovation plutôt que simple consommateur», mais cette vision présente également une dimension citoyenne: «Travailler avec un laboratoire public, c’est créer de la valeur partagée. C’est contribuer au bien commun et à la souveraineté technologique.»
FAIRE LE PARI D’ACCÉLÉRER L’INNOVATION AVEC AMValor
Dès 2017, Someflu fait donc appel au laboratoire d’ingénierie des fluides et des systèmes énergétiques (LIFSE), par l’intermédiaire d’AMValor. Grâce à un accord partenarial, Aurore Destin, ingénieure chez Someflu, peut bénéficier de l’expertise et du matériel du laboratoire pour développer les pompes centrifuges en polymères de son entreprise. Ces machines sont destinées à transférer des fluides corrosifs ou abrasifs, chargés ou non, dans de très nombreuses applications indus-trielles. L’expérience est convaincante et, quatre ans plus tard, le dispositif de préservation de l’emploi R&D est perçu par Someflu comme une formidable opportunité. «C’était une occasion unique de faire le pari d’accélérer notre innovation», se remémore Alexandre Lacour. Le contrat en CDI d’Aurore est transféré sur ce dispositif, ainsi que celui de son collègue Philippe Becart, ingénieur projet au sein de l’entreprise. Pour compléter ce véritable service de R&D, Liza Abtroun, jeune diplômée, est recrutée par AMValor.
INDUSTRIE DU FUTUR ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE
La feuille de route des trois mousquetaires est ambitieuse: optimisation des méthodes de conception de turbomachines, réalisation d’un banc d’essai à échelle réduite, écoconception à base de polypropylène recyclé et de fibres végétales, recherche de nouveaux polymères, développement de modèles prédictifs d’e-surveillance des pompes et synthèse additive. En bref, les projets R&D de Someflu embrassent tous les enjeux de l’industrialisation 4.0 et de la transition écologique. «On pourrait réduire de 50% l’impact carbone de la production des pompes en plastique grâce à nos projets combinés», s’enthousiasme Philippe.
LE DISPOSITIF FRANCE RELANCE FAIT L’UNANIMITÉ
Tout comme les trois mousquetaires d’un autre Alexandre étaient quatre, Philippe, Liza et Aurore ont également pu compter sur les travaux d’Ouïza Saddaoui, doctorante au LIFSE. Ses travaux de thèse sur l’impression 3D dédiée aux pompes industrielles ont été portés conjointement par Someflu et deux autres PME du secteur. «Nous avons les mêmes enjeux et les mêmes problématiques: cela a du sens de les partager au sein du LIFSE pour lever les verrous technologiques» ,revendique Alexandre Lacour. Pour le chef d’entreprise, les choses sont simples: «Nous avons pu investir pour l’avenir, à iso budget.» Philippe ajoute: «Le rapprochement avec AMValor et le LIFSE a déjà permis à Someflu de franchir de vrais paliers technologiques.» La jeune Liza, quant à elle, a immédiatement été séduite par le dispositif: «C’est l’idéal pour un jeune, que son projet soit d’intégrer le monde de l’entreprise à l’issue du contrat ou de poursuivre par une thèse de recherche appliquée.» De son côté, elle n’est pas encore fixée: «Mon cœur balance en faveur de la R&D en entreprise mais, si je m’oriente finalement vers une thèse, j’ai les idées claires sur ce que je souhaite faire – et aussi ne pas faire. Cela évite les écueils qui attendent parfois les doctorants insuffisamment préparés.»
Plus globalement, l’interaction entre recherche publique et industrielle est plébiscitée, et l’on sent que le partenariat n’est pas qu’une affaire d’opportunité économique. Pour Aurore, qui adore la pluridisciplinarité exigée par les PME, «évoluer dans un écosystème de recherche permet un vrai partage d’expertise et de réflexion avec ses pairs». Quant à Philippe, qui avait été tenté par une thèse à sa sortie des Mines d’Albi, il y a plus de quinze ans, on sent que l’expérience est un véritable ressourcement personnel et professionnel. «J’adore renouer avec cette rigueur scientifique, confie-t-il. Débattre sur la validité des calculs, c’est très sain. Cela crée une émulation intellectuelle extrêmement féconde et satisfaisante. Quand on travaille longtemps dans une même entreprise et sur les mêmes produits, on perd de sa capacité à imaginer de nouvelles solutions. Être en lien avec des chercheurs au sein d’un labo qui conduit des projets dans différents secteurs, cela ouvre de nouveaux horizons et donne de nouvelles idées pour résoudre les problèmes sur lesquels on bute dans notre domaine.» C’est peut-être la benjamine de l’équipe qui résume le mieux l’alchimie qui s’est créée entre Someflu et les Arts et Métiers. «Il y a une vraie convergence de valeurs humaines entre le LIFSE, AMValor et Someflu qui s’appuie sur un partenariat entre des personnes qui sont sur la même longueur d’onde. C’est une entreprise où l’on se sent bien, et c’est aussi un laboratoire où l’on se sent bien», conclut Liza. Si l’innovation est le propre de l’homme, il ne faut certainement pas s’étonner qu’elle engendre de belles aventures humaines. Nul doute que l’aventure initiée au premier étage du LIFSE soit loin d’être terminée…