A la une / Editorial
Réindustrialisation de la France : une ardente obligation !

Réindustrialisation de la France : une ardente obligation !

La première édition des Journées usines ouvertes, organisée par la Société des ingénieurs Arts et Métiers et ses partenaires (France Industrie, CCI France, Territoires d’industrie/ANCT(1), Direction générale des entreprises, Bpifrance, Comité Richelieu…), est une toute première pierre dans l’action collective de réconciliation des Français et de l’industrie. Plus de 220 usines ont répondu présent, plus de 20 000 personnes se sont déplacées pour les visiter. Organisées en miroir des Journées européennes du patrimoine, elles doivent s’inscrire dans la durée afin de donner à voir pour donner envie aux plus jeunes, aux parents et aux enseignants en particulier.
____________________
Par Stéphane Gorce (Ch.180)
Publié le 2025-06-03


Nous revenons de loin. Prenons donc un peu de recul pour comprendre ce qui se passe sous nos yeux…
En 1989, beaucoup ont pensé que le temps de l’histoire était achevé et que s’ouvrait à nous une période définitivement heureuse. Le 11 septembre 2001, une nouvelle forme de conflit est réapparue sur la scène mondiale, les conflits asymétriques. Le monde a poursuivi sa mondialisation heureuse, et nos pays se sont tranquillement, mais sûrement désindustrialisés. En 2008, la crise a montré qu’une seule grande puissance pouvait totalement déstabiliser le système financier mondial sans pour autant freiner le transfert de savoir-faire industriels et technologiques vers des pays désignés dédaigneusement « à bas coût ». Enfin, la crise de 2020 liée au Covid a mis en évidence aux yeux du plus grand nombre la faiblesse structurelle et industrielle de nos économies, marquant l’amorce d’une certaine prise de conscience. La part de l’industrie est néanmoins finalement passée sous la barre des 10 % du PIB de la France.
Depuis 2022, l’Europe voit de nouveau la guerre à ses portes. Et, depuis quelques semaines, après les élections aux États-Unis, elle se sent esseulée face à des puissances dont on redécouvre l’instinct naturel de domination et l’égoïsme. L’histoire est de retour, chacun sait qu’elle est tragique. Les consciences évoluent, et le mot souveraineté longtemps tabou, voire banni du langage autorisé, est redevenu acceptable. Et comme l’industrie est un des fondements de cette souveraineté, les Français ont compris, me semble-t-il cette fois-ci, qu’il faut vraiment réindustrialiser notre pays.       
J’ai la conviction que nous avons été longtemps bien trop naïfs, aveuglés à l’excès par des enjeux, pourtant bien réels, de développement durable, lesquels se sont malheureusement traduits par une démission industrielle unilatérale de nos pays européens.
Il est temps de perdre l’innocence !
Face à une compétition mondiale impitoyable et à des pays industriellement et technologiquement en avance sur nous, comme la Chine, nous devons réagir, nous mobiliser. Cette ardente obligation de réindustrialisation responsable, alliant le meilleur de la technologie et la responsabilité sociétale et environnementale, ne se fera pas simplement avec des mots. C’est un défi qui devra mobiliser sur une longue période, un défi générationnel, à l’instar de ce que fut la prise de conscience environnementale. D’indispensables réformes administratives et fiscales, des simplifications réglementaires, mais aussi l’allocation de moyens financiers adaptés à une activité souvent fortement capitalistique sur le long terme seront nécessaires pour aider les entreprises industrielles à améliorer leur attractivité… Bref, l’industrie devra enfin revenir au cœur des priorités de notre pays et de l’Europe. Son redressement passera, bien entendu, par l’excellence des ingénieurs qui participeront à cette nouvelle aventure.    
Chaque crise recèle sa part d’opportunités. Alors que des générations d’acteurs de l’industrie (ouvriers, techniciens, ingénieurs, entrepreneurs…) ont dû en accompagner le déclin, la crise dans laquelle nous nous trouvons et le rebond qu’elle impose sont pour tous une formidable chance à saisir.
Au-delà des mots, il faut désormais que les acteurs industriels et pro-industrie, qu’ils soient politiques, publics ou privés, s’engagent au bénéfice des entreprises industrielles, quels que soient leur taille, leur secteur d’activité et leur stade de développement. C’est désormais une ardente obligation.  


(1) Agence nationale de la cohésion des territoires.