La plus ancienne verrerie française en activité fête ses 550 ans
Fondée en 1475 en Haute-Saône, La Rochère a traversé les siècles en préservant un héritage façonné par des générations de maîtres verriers et souffleurs de verre. Bien plus qu’une simple commémoration, cet anniversaire célèbre la pérennité d’un savoir-faire, au confluent de la tradition et l’innovation, qui se projette d’ores et déjà vers demain.
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Par La rédaction
Publié le 2025-04-24
C'est au 15ème siècle qu’un certain Simon de Thysac, gentilhomme verrier de son état, crée la manufacture dont l’implantation ne doit rien au hasard. La région constitue alors un axe de commerce privilégié entre le Nord et le Sud. Située en lisière de forêt, la verrerie est à proximité immédiate des matières premières nécessaires à son activité : le sable, les cendres de fougères pour fabriquer la potasse et le bois pour alimenter les fours de fusion. Aujourd’hui encore, les matières premières utilisées proviennent à plus de 90% de France, même si le sable, qui constitue 60% de la composition du verre, arrive désormais de Fontainebleau. Une caractéristique qui a permis à La Rochère d’obtenir la certification « Origine France Garantie » en 2023.
Un savoir-faire transgénérationnel

Malgré les vicissitudes de la grande et la petite histoire, la verrerie a su traverser les siècles en préservant son savoir-faire ancestral tout en intégrant les technologies modernes.
Si elle conserve ainsi à ce jour une production artisanale de cristallin soufflé-bouche, seuls 4 maîtres verriers travaillent désormais ainsi la matière en fusion pour façonner le verre, contre 200 en 1965. Plus de 60 000 personnes viennent à leur rencontre chaque année, faisant de la verrerie le site industriel le plus visité de Haute-Saône.
Face à la concurrence des pays de l’Est qui a profondément transformé le métier, La Rochère a en effet décidé en 1967 d’automatiser sa production tout en diversifiant son activité : la verrerie s’est spécialisée dans le verre pressé, développant au passage des outils de production mécanique performants. Son procédé de fabrication allie savoir-faire artisanal et rigueur industrielle, union qui rend sa production bien spécifique. « Nous créons des produits intemporels qui lient le style et la résistance, explique ainsi Nicolas Bigot, directeur commercial arts de la table. Puisant leur inspiration dans nos archives et notre art de vivre français, nos designers travaillent à habiller les tables du quotidien contemporaines grâce à des créations uniques, dont certaines sont devenues emblématiques comme le verre Abeille sorti en 1996. Chaque jour, nous avons à cœur de créer de nouvelles formes, de nouveaux motifs, de nouvelles techniques ». Une politique qui vaut à La Rochère d’être labellisée « Entreprise du patrimoine vivant » depuis 2014. Ses lignes industrielles fabriquent 30 000 verres chaque jour, soit l’équivalent de 33 tonnes de verre pressé, sur un site de 10 000 m² employant 95 salariés et 20 intérimaires.
Tempête dans un verre beau
Si l’art de la table demeure au cœur de son activité avec 65 % de son chiffre d’affaires (12,8 M€ en 2024), l’entreprise rayonne désormais également dans l’architecture du verre, qui représente 30 % de son CA. Dès 1870, La Rochère fabrique en effet la première tuile de verre au monde pour répondre aux besoins d’éclairage de sous toitures que rencontrent les tuileries locales. Cette gamme est vite complétée par des briques de verre et des pavés de sol. « Aujourd’hui, nous accompagnons des projets d’envergure dans toute l’Europe avec des architectes de renom comme Le Corbusier pour la Cité du Refuge ou encore Patrick Berger et Jacques Anziutti avec la station de métro Châtelet - les Halles », précise Eric Zannoni, directeur commercial architecture du verre.
La Rochère fait partie depuis 2021 de la holding Tourres & Cie, lignée de verriers normande depuis le XIXe siècle, également à la tête de Waltersperger, spécialiste du flaconnage de luxe et de spiritueux. Sous cette impulsion, elle s’est lancée dans le secteur du luxe, notamment via la création de contenants à bougie pour la maison Céline.
Sur les trois dernières années, 4 millions d’euros ont été investis sur le site, principalement dans l’amélioration de l’efficacité énergétique du four électrique et l’installation, début 2025, d’une nouvelle ligne de production dédiée à la fabrication de petits produits pressés destinés au marché du sur-mesure et du luxe qui représente désormais 5% de son CA. « L’investissement le plus important, actuellement en phase de rodage et de réglage, est l’acquisition d’une nouvelle ligne de production, déclare Gilles Ambs, président de La Rochère. Elle nous permettra de fabriquer pour la première fois des produits de 20 à 150 grammes. Un véritable saut technologique qui nous ouvre la voie vers la production d’objets d’exception, tels que des bouchons ou capots de flacons de parfums sur-mesure pour des marques prestigieuses ». En 2025, une enveloppe sera par ailleurs dévolue à l’adaptation d’une ligne de fabrication dédiée à un produit innovant dans l’architecture du verre.
La rédaction