Technologie / Energie
Hydrogène: quatre questions en attente de réponse

Hydrogène: quatre questions en attente de réponse
Le nombre d’avions ayant volé grâce à l’hydrogène se compte à ce jour sur les doigts d’une main. Cette molécule présente certains avantages, mais elle possède aussi quelques inconvénients. Avant que l’hydrogène ne s’impose dans l’aéronautique, il faudra obtenir des réponses à quatre interrogations majeures. Lire la suite...
Djamel Khamès
Dans le secteur de la mobilité, l’hydrogène peut être utilisé comme un vecteur d’énergie ou comme un carburant. Dans le premier cas, les molécules sont transformées par oxydoréduction, via une pile à combustible, en chaleur et en électricité. Cette dernière meut ensuite un moteur électrique qui peut entraîner une hélice. Parmi les tests menés à bien, il y a celui de ZeroAvia, a Royaume-Uni, avec un bimoteur Dornier 228. Dans le second cas, l’hydrogène est brûlé tel un combustible dans un moteur thermique, à l’image du kérosène. Mais avant de faire voler des passagers ou du fret en totale sécurité et à des conditions financières acceptables, quatre questions se doivent d’être soulevées.
 
La première interrogation touche à la nature de l’hydrogène: est-il gris ou vert? Le premier est produit par vaporeformage du méthane. Il est fortement carboné parce que la création de1kg de cet hydrogène émet entre 10et 15kg de CO2 », explique Laurent Bizieau, responsable de l’écosystème Propulsion et Énergie embarquée du pôle de compétitivité Aerospace Valley. Le second, l’hydrogène vert, est généralement élaboré à partir de l’eau, par électrolyse. Si l’électricité nécessaire à ce procédé de fabrication est fournie par de l’énergie renouvelable (éoliennes, barrages hydroélectriques ou panneaux photovoltaïques), il est considéré comme décarboné. Si elle est d’origine nucléaire, l’hydrogène est dit « jaune » et se voit inclus dans cette catégorie. Pour tenir ses pro-messes environnementales, l’avion décarboné ne peut donc recourir qu’au vert ou au jaune. Malheureusement, l’hydrogène gris représente aujourd’hui plus de 95% de la production. La part du vert progresse, mais elle bute sur son coût de fabrication, de deux à six fois plus élevé. Ce rapport baissera plus vite si le prix des hydrocarbures fossiles continue d’augmenter sous l’effet, entre autres, de la prochaine taxe carbone européenne.
QUEL VOLUME ET QUELLE AUTONOMIE ?
La deuxième interrogation cible le volume d’hydrogène que peut emporter l’avion. Une fois produit sous forme gazeuse, l’hydrogène peut être stocké en vue de sa réutilisation comme vecteur énergétique ou comme carburant. Mais sa masse volumique étant faible à température ambiante, de l’ordre de 90g/m3, son stockage requiert un espace important. Pour réduire ce volume, il faut donc le compresser ou, mieux, le liquéfier à –253°C, soit à peine 20°C au-dessus du zéro absolu. Liquide, sa masse volumique atteint 70,5kg/m3, ce qui diminue alors son volume d’un facteur 783. Cependant, à l’état gazeux, qu’il soit compressé ou non, l’hydrogène prend toujours plus de place que le kérosène. « Liquide, il faut l’accompagner d’un système destockage spécifique pour le maintenir à une température proche du zéro absolu, avec toute la gestion de la sécurité à bord que cela implique », rappelle Laurent Bizieau. Enfin, quel que soit son état, l’hydrogène ne peut être stocké dans les ailes de l’avion, comme c’est actuellement le cas du kérosène. En conséquence, un avion fonctionnant à l’hydrogène perdra du volume utile, au détriment du fret ou du nombre de sièges de passagers. Mécaniquement, le poids du réservoir et celui de la pile à hydrogène posent aussi la question de l’autonomie, laquelle se verra forcément abaissée. La troisième interrogation examine l’efficacité énergétique. Transformé en liquide, l’hydrogène peut être comparé à l’essence. Quand, avec un litre, le premier produit 2kWhd’énergie, la seconde développe près de 10kWh. Ce qui montre que, pour un volume équivalent, l’hydrogène liquide offrira toujours une efficacité énergétique inférieure à celle du carburant fossile, celle-ci restant malgré tout intéressante pour des applications de mobilité. L’hydrogène stocké est ensuite transformé par l’intermédiaire d’une pile à combustible en électricité, en chaleur et en une petite quantité d’eau. Pour 1kWh d’énergie initiale (hydrogène), on récupère 0,5kWh d’électricité et 0,5kWh de chaleur, ce qui correspond à un rendement de l’ordre de 50% », précise Laurent Bizieau. Si l’hydrogène est un vecteur énergétique apportant une réponse intéressante aux problématiques de stockage d’électricité, chaque type d’usage doit cependant faire l’objet d’une analyse globale afin de démontrer l’intérêt tant économique que technique de ce principe de stockage.
QUELLES ÉMISSIONS DE CARBONE ?
Enfin, la quatrième interrogation concerne les émissions polluantes. Utilisé en carburant, l’hydrogène est brûlé au contact de l’oxygène contenu dans l’air. Cette combustion crée de la vapeur d’eau et des oxydes d’azote (azote également présent dans l’air). Brûler de l’hydrogène n’émet donc pas de CO2. En revanche, l’impact des émissions d’oxydes d’azote sur l’environnement doit être évalué. Si l’hydrogène est utilisé comme vecteur énergétique pour produire de l’électricité, les seules émissions sont l’eau et la chaleur provenant de la pile à combustible. Plusieurs acteurs se sont lancés dans la conception d’avions fonctionnant à l’hydrogène, dont Airbus. Des démonstrateurs sont en cours de développement, mais personne ne sait aujourd’hui quand auront lieu les premiers vols commerciaux recourant à l’hydrogène comme vecteur énergétique ou carburant. Pour Laurent Bizieau, « les avions régionaux, de type ATR, et ceux de moins de 19 places (aviation générale) seront les premiers à fonctionner avec de l’hydrogène sur de courtes distances. Pour les moyens et longs courriers, il faudra attendre encore ».