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La réindustrialisation ralentit mais se poursuit, selon Bercy... Vraiment ?

La réindustrialisation ralentit mais se poursuit, selon Bercy... Vraiment ?
Le 13 mars dernier, Bercy publiait son traditionnel « Baromètre industriel de l’État ». Selon le communiqué qui l’accompagne, il « confirme la poursuite de la réindustrialisation avec un solde net positif de 89 ouvertures et extensions significatives de sites industriels en 2024 ». « Lol » réagit ironiquement Olivier Lluansi, professeur au Cnam et auteur d’un rapport sur la réindustrialisation de la France à l’horizon 2035.
 
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Par Christophe Duprez
Publié le 2025-03-17

 
Dans son communiqué, le ministère se veut résolument optimiste. Certes, « après deux années de réindustrialisation forte, les résultats sont modérés en 2024 ». Mais l’industrie verte « continue de porter l’effort de réindustrialisation en cohérence avec la politique économique menée ». À l’inverse, à l’instar de l’automobile, « les secteurs les plus énergo-intensifs » que sont la plasturgie, la mécanique et les transports, « se contractent nettement et représentent la majorité des fermetures ou réductions significatives d’usines ».

Pas de panique : tout est sous contrôle !
Tel est le message officiel. « Comme anticipé, insiste le texte, l’année 2024 est marquée par un net ralentissement de la dynamique observée par ce baromètre depuis 2022. Une poursuite de cette tendance est attendue dans les mois à venir [mais] les pouvoirs publics sont très fortement mobilisés pour appréhender et accompagner au mieux les secteurs en difficulté afin de (…) maintenir le cap de la réindustrialisation ». Pour le ministre de l’industrie et de l’énergie Marc Ferracci, cela « montre que la stratégie est la bonne. La réindustrialisation enclenchée depuis 2022 se poursuit et confirme une dynamique positive (…). Nous devons faire preuve d’un optimisme pragmatique et ne rien lâcher ! ».
Méthode Coué
Si « Les Échos » se montrent pragmatiques, ils semblent plus circonspects sur l’optimisme de l’édile. Dans leur édition du 14 mars, ils mettent en effet en parallèle les chiffres du Baromètre avec ceux (bien connus de nos lecteurs) du cabinet Trendeo. Tout en précisant que ces derniers sont basés sur les annonces publiques des entreprises et englobent les sites industriels au sens large, logistique comprise, l’article constate que « l’évolution n’est pas bonne : les suppressions d’emplois ont bondi de 77% en 2024, et les ouvertures d’usines ont fléchi de 18% ».
Sur LinkedIn, Olivier Lluansi se montre plus direct : « Nous sommes aujourd’hui techniquement revenus à une phase de recul de l’industrie ». Et ce dès 2024 ! Se basant sur des données de l’Insee et France Stratégie, il met en évidence que sa part dans le PIB décroit à nouveau rapidement, passant de 9,7% fin 2023 à 9,3% un an plus tard. Au second semestre, l’industrie nationale a perdu 3 100 emplois. Et de conclure, lapidaire : « dans ce contexte de quasi-déni de réalité, nous pouvons craindre, mille fois hélas, un désastreux immobilisme, l’illusion des grands discours sans décision concrète ou encore l’embourbement de la question du prix de l’électricité, si cruciale pour la compétitivité de l’industrie. La situation serait risible si elle n’était pas aussi grave ».

Christophe Duprez