Technologie / Energie
Avions tout électriques ou hybrides ?

Avions tout électriques ou hybrides ?
 
La preuve a été faite qu’un avion mû par un moteur électrique fonctionne parfaitement. Mais dès que l’on pose la question de l’efficacité en termes de poids, de volume et de sécurité, la réponse devient plus nuancée. L’alternative d’une solution hybride électrique-essence semble plus raisonnable. Lire la suite...
Djamel Khamès
En 2015, le Solar Impulse et le E-Fan ont suscité beaucoup d’espoir. Mais c’est le Velis Electro qui obtint le 10 juin 2020, de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA, ou EASA en anglais), la première certification mondiale de vol pour un avion électrique. « Ce biplace monomoteur est fabriqué par Pipistrel, un constructeur slovène acheté l’an dernier par l’Américain Textron Aviation (Cessna). Ses batteries au lithium-ion lui offrent une autonomie de trois quarts d’heure (plus dix minutes de réserve), ce qui le destine principalement à la formation des pilotes », précise Laurent Bizieau, responsable de l’écosystème « propulsion et énergie embarquée » au sein du pôle de compétitivité Aerospace Valley. Depuis cette certification, la technologie des batteries n’apas connu de révolution en matière de capacité de stockage. Celle-ci, autrement appelée « densité énergétique », un sujet clé par son incidence sur l’autonomie et le poids, n’est pas encore pleinement optimisée. Au-delà de la performance pure, la sécurité reste le sujet le plus important pour les applications de mobilité aérienne. Effectivement, le risque d’emballement thermique des batteries Li-ion doit être pris en compte dès la conception pour pouvoir certifier un avion à propulsion électrique
LE LITHIUM-ION LIQUIDE, UNE TECHNOLOGIE MATURE
Les batteries au lithium-ion liquide se sont imposées sur le marché, car elles ont de meilleurs rendements énergétiques que les modèles anciens (plomb, nickel-métal hydrure...). De nouvelles technologies plus efficaces sont annoncées, mais leur maturité n’est pas encore suffisante pour permettre leur certification. Nombre de laboratoires et d’industriels travaillent sur ces nouvelles technologies afin qu’elles gagnent en performances sans dégrader le niveau de sécurité des vols. Fruit d’une chimie améliorée et d’une gestion électronique optimisée, la faible autodécharge, d’environ 10% par an, des cellules au lithium-ion est un autre atout. Enfin, le lithium étant très léger, les batteries qui en contiennent sont les mieux adaptées aux dispositifs de stockage d’électricité embarqués. On parle ici de centaines de kilogrammes. Par exemple, pour le Velis Electro, la masse vide avec batteries est de 428kg, pour une charge utile de172kg. L’ensemble batteries-système de refroidissement (celles-ci sont refroidies par eau pour assurer la sécurité du vol) représente une masse significative (environ 130kg), pénalisant ainsi la charge utile. À titre de comparaison, une Tesla modèle S emporte 600kg d’accumulateurs pour une masse totale du véhicule de 2100kg. On ne peut donc ajouter des cellules de batteries sans augmenter le poids de l’aéronef. Et qui dit poids additionnel, dit plus d’énergie à dépenser... C’est un cercle vicieux.
L’HYBRIDE, LA SOLUTION DE RAISON
Les batteries Li-ion – dont la capacité de stockage d’énergie est inférieure à 0,2kWh/kg – font pâle figure au regard de la densité énergétique des sources d’énergie carbonées. Celle du kérosène atteint près de 11,9kWh/kg. La comparaison est encore plus rude si l’on aborde le sujet du transport et du stockage de ces carburants, plus faciles à exploiter que la recharge électrique (réseau de distribution et temps de recharge). « L’hydrogène, s’il est produit sans énergie carbonée, représente une alternative encore plus intéressante. Qu’il soit liquide ou gazeux, sa densité énergétique s’élève à 34,1kWh/kg», souligne Laurent Bizieau. En revanche, le volume occupé par l’hydrogène reste bien supérieur à celui des carburants fossiles, ce qui le pénalise. En attendant que les avions mus par l’hydrogène soient certifiés, l’hybridation (combinaison d’une propulsion thermique et d’une source électrique) apparaît aujourd’hui comme la solution technique la plus intéressante. Des start-up comme Ascendance Flight Technologies ou VoltAero expérimentent des démonstrateurs de la motorisation hybride.
QUELQUES EXEMPLES DEMOTORISATIONS HYBRIDES
Un modèle aérodynamique de l’Alérion M1h, un biplace conçu par Avions Mauboussin pour les déplacements inter-régionaux, a décollé le 23février 2023 de l’aérodrome du Pays de Montbéliard, à Courcelles-lès-Montbéliard (Doubs). Son système de propulsion hybride électrique-essence, appelé « Zéphyr », a été développé en interne. Pour la partie thermique, le choix s’est porté sur un moteur à turbine, la société envisageant à terme de remplacer le carburant fossile par de l’hydrogène. « Aujourd’hui, l’Alérion M1h se caractérise par des décollages-atterrissages courts – 200m – et par une vitesse de 250km/h. La future version hybride hydro-gène-électrique, en préparation, aura une capacité de cinq places et volera à 370km/h avec une autonomie de 1500km », déclare David Gallezot, le président d’Avions Mauboussin. De son côté, la société VoltAero a créé le Cassio, un bimoteur hybride électrique-essence qui a fait le tour de France, d’aéroport en aéroport, au cours de l’été 2021. Son fondateur, Jean Botti, ancien directeur général délégué chargé de la technologie et de l’innovation chez Airbus, a mené l’aventure du E-Fan. La motorisation du Cassio, qui repose sur deux systèmes propulsifs montés en parallèle, a été mise au point par VoltAero. L’avion, dont la batterie est rechargeable pendant le vol, peut parcourir une distance de 200 à 1200km en mode hybride. La propulsion électrique couvre 30% des besoins énergétiques de l’appareil entre 200 et 600km, puis 8% de 600 à 1200km. « La certification du Cassio a démarré en octobre2021 avec l’EASA. Différents modèles, d’une capacité de 5à 12 passagers, seront développés », indique Jean Botti. L’avenir va bien s’écrire en hybride.