La réindustrialisation verte résiste dans l’Hexagone
La 8ème édition du baromètre Arthur Loyd, qui dresse la carte des départements français les plus attractifs en 2024 en termes d’investissements dans la transition énergétique, met en évidence la résilience du pays dans un contexte politique et économique mondial instable. Se trouvent aux avant-postes des régions au fort passé industriel qui bénéficient aussi d’une combinaison d’autres atouts…
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Par Christophe Duprez
Publié le 2025-03-05
Le baromètre répertorie en tout 392 annonces de projets, tous secteurs confondus. Une belle performance au regard des perturbations internationales de ces derniers mois.
Les annonces des montants investis dans la transition verte ne reculent en effet « que » de 10% par rapport à 2023, année record, faisant de 2024 la 2e meilleure depuis 2019. Par ailleurs, la dynamique reste positive, avec des projets d’investissements atteignant 23,5 milliards d’euros, confirmant l’attractivité de l’Hexagone dans ces technologies.
Dans le détail, il dénote une baisse des opérations de petit volume (214 annonces sont inférieures à 10 millions d’euros, vs 255 l’an dernier) et une hausse de celles de grande envergure (plus de 100 millions d’euros), au nombre record de 36.
Les trois filières les plus dynamiques sont les énergies renouvelables (44%), les batteries électriques (25%) et le recyclage et déchets (22%).
Normandie, Hauts-de-France et Grand Est sur le podium
D’un point de vue géographique, les cartes des départements les plus actifs sont redistribuées. Certains, habituellement en tête du fait de leur héritage industriel, tel le Nord, laissent la place à d’autres plus ruraux qui intègrent pour la première fois le top 10, comme la Haute-Vienne et les Hautes-Pyrénées.
Sur le plan régional, en cumul depuis 2019, Hauts-de-France, Grand Est et Normandie concentrent néanmoins à trois la moitié des montants.
Champions du classement 2023, les Hauts-de-France connaissent un ralentissement, tout en restant la première région bénéficiaire des montants annoncés en 2024, soit près de 4 milliards d’euros. Le Nord se distingue dans la production de batteries électriques. La Somme passe de la 45ème à la 3ème place départementale grâce à deux projets d’envergure menés par FertigHy et Tiamat, respectivement dans les engrais bas carbone et les batteries et véhicules électriques. L’Aisne troque la 51ème position pour la 10ème sous l’impulsion d’une annonce d’investissement de Verso Energy.
Avec 3,7 milliards d’euros annoncés en 2024, le Grand Est se démarque notamment grâce au Bas-Rhin, qui bondit de la 30ème à la 2ème place départementale avec 2,3 milliards d’euros annoncés dans le verdissement de l’économie, dont la quasi-totalité dans la filière batterie et véhicule électrique. Les Vosges bondissent de la 54ᵉ à la 5ᵉ place avec près de 1,1 milliard d’euros, notamment via l’ouverture d’un site de production de carburant de synthèse par Verso Energy.
En Normandie, la Seine-Maritime prend, quant à elle, la tête du classement des départements avec 3,4 milliards d’euros annoncés, soit la quasi-totalité des investissements régionaux (3,5 milliards au total), notamment grâce à deux projets d’envergure au Havre : la création d’un pôle européen du lithium par Livista Energy et d’une installation d’importation d’hydrogène bas carbone par Air Products.
Occitanie et PACA en embuscade
Derrière ces trois leaders, l’Occitanie fait mieux que se défendre. Elle enregistre en effet un record en 2024 en montants annoncés, porté notamment par l’accord entre Qair et Airbus pour le développement d’une usine de kérosène vert à Lannemezan (65). Elle se positionne ainsi comme un moteur français de la filière énergies renouvelables.
De son côté, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur réalise une année solide grâce à plusieurs annonces d’envergure dans le secteur des énergies décarbonées, solaire et hydrogène bas carbone en tête. Les Bouches-du-Rhône en particulier peuvent s’enorgueillir de près de 1,7 milliard d’euros d’intentions d’investissements annoncées en 2024.
L’explication : un fort passé industriel… mais pas que
Interrogé sur les raisons d’une telle répartition géographique, Cevan Torossian, Directeur du département Études & Recherche d’Arthur Loyd, répond : « L’implantation des filières de transition verte ne doit rien au hasard. Dans leur grande majorité, les territoires gagnants disposent d’un fort héritage industriel auquel s’ajoute une combinaison de plusieurs paramètres annexes. D’abord, l’accès à un foncier industriel adapté, qui devient un enjeu stratégique face à la raréfaction des terrains disponibles. Ensuite, la capacité à mobiliser une main-d’œuvre qualifiée en ingénierie et en production industrielle. Troisième levier indispensable, l’accès à l’énergie : garantir aux acteurs une mise à disposition à long terme des ressources énergétiques est un prérequis pour les investisseurs. Enfin, le soutien des pouvoirs publics et élus locaux est déterminant : dispositifs d’accompagnement à l’implantation, simplification administrative et cadre réglementaire cohérent… »
Christophe Duprez