Point de vue / Idées
Fondation Du Fer au Savoir 

Fondation Du Fer au Savoir 
Au service de la culture technique
Faire savoir ce que nos camarades de la fondation Du fer au savoir (FAS) fabriquent à Liancourt, dans l’Oise, fait logiquement suite à mon billet dans ces colonnes (1) sur la filiation entre « La main à la pâte » du regretté Georges Charpak et le projet d’Evolutive Learning Factory (ELF) à l’œuvre dans les campus Arts et Métiers.
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Par Jean-Baptiste Micewicz (Cl. 177)
Publié le 2025-01-24
J’évoquais en effet l’action similaire, bien qu’à moindre échelle, de la fondation FAS à Liancourt. J’ai rendu visite à ces camarades en octobre dernier, sur l’invite de leur président, Paul Masson (Cl. 178), à l’occasion de la 33e Fête de la science qu’ils animaient dans les bâtiments et le parc de la Ferme de la Montagne. Cette édition 2024 avait pour thème : « L’eau, un océan de savoirs ».
L’ENGAGEMENT DE NOS CAMARADES
Je savais que Liancourt était le berceau historique de notre École. Mais je ne savais pas que c’était un tabagn’s...
C’est une image, bien sûr. Mais à parcourir les locaux, salles de réunion, de travail, d’exposition et d’expérimentation, on revoit nos vies en boquettes, de même que l’on imagine bien nos premiers anciens dans les lieux, tâtonnant, acquérant par le « faire » – et le travail du fer – la connaissance de leur art, chaperonnés par des élèves guère plus âgés qu’eux.
Petite différence, notable, depuis l’époque du Duc : les bénévoles qui animaient les différents stands de cette Fête de la science étaient presque tous des sages, retraités comme moi. En les regardant s’affairer devant des attroupements d’élèves du CE2 au CM2, remarquant l’étincelle dans leurs prunelles juvéniles et les sourires des enseignants qui les accompagnaient, j’ai trouvé que cette transmission-là, à cet endroit et par des descendants de la longue chaîne des Gadzarts, auprès de jeunes pousses semblables à des herbes folles, faisait sens et n’était pas sans noblesse, soutenue par une grande simplicité.
Transition toute trouvée avec le thème de l’eau, m’est revenu une blague connue : « Quelle est la différence entre un business boy et un gardien de phare ? » Réponse : le gardien de phare a peu d’ambition et beaucoup d’horizon... La présentation des différents aspects de l’eau (sa composition, sa présence différenciée sur la planète, ses différents états et les usages qu’on en fait) incluait justement des réflexions sur la navigation en mer, donc sur l’utilité des phares, belle occasion de parler de la lentille de Fresnel… mais aussi de la façon de déterminer sa position en mer, loin de ceux-ci, en mesurant notamment sa latitude par l’angle sous lequel on voit l’étoile polaire, petit montage à l’appui. À chaque stand, un échange didactique et une manip (ludique de préférence, mais éclairante) étaient proposés. À un autre, les élèves pouvaient fabriquer eux-mêmes un ludion avec une bouteille d’eau, illustration du principe à l’œuvre et lien bienvenu pour comprendre le fonctionnement des bathyscaphes ou des gilets de plongée sous-marine... en même temps qu’un bon souvenir à emporter chez soi pour montrer aux parents ses superpouvoirs.
Je suis reparti ému d’avoir vu comment, avec aussi peu de moyens (tout était réutilisable, à l’instar des couverts en bois ayant servi à fabriquer des pales d’éolienne) et tant d’enthousiasme, nos camarades s’étaient décarcassés pour déposer chez nos jeunes une petite graine. Qui sait, peut-être certains auront plus tard l’envie de se frotter à la science et à la technique pour faire quelque chose d’utile ! Ce seront toujours autant de moins qui, à l’âge de 18 ans, ne rêveront pas, comme la majorité complètement à côté de la plaque, de devenir manager (de quoi !) pour gagner (sans effort) un « maximum de thunes ». Aussi ai-je eu le sentiment, les voyant agir à leur niveau, en toute modestie mais non sans énergie, que mes camarades contribuaient de façon exemplaire à ce qui est malheureusement devenu une cause nationale...
ENCOURAGER LES JEUNES PAR DES PRIX
Au cours de cette première journée réservée aux scolaires s’est aussi jouée une pièce de théâtre de et avec Fabrice Genisson (Ch. 181) et la troupe « En compagnie de Nicolas Joseph Cugnot(2) ». La Fête de la science s’est poursuivie pendant deux jours ouverts à tous, proposant d’autres événements comme la remise du prix Marius-Lavet(3) Jeunes qui récompense une entreprise ou un jeune ingénieur pour ses innovations en lien avec la thématique de la manifestation. Cette année, le jury, composé de lycéens, d’étudiants et d’élèves de l’École, a distingué Loïc Briand, de l’entreprise Grain de Sail(4).
La fondation Du fer au savoir n’a certes pas l’envergure de l’action initiée par Charpak avec « La main à la pâte ». Elle envisage son développement de façon pragmatique, par étapes. Ancrée localement, elle rayonne le plus largement possible. Son utilité est évidente. Elle aura besoin de différentes aides pour soutenir sa croissance, induite par son succès et les idées novatrices de ses acteurs :
- un besoin en huile de coude, comblé par les camarades bénévoles : ceux-ci seront toujours les bienvenus, qu’ils habitent près de Liancourt ou plus loin (c’est à une heure de route de Paris). Allez-y, observez ce qui se passe dans les ateliers animés tout au long de l’année, participez progressivement, puis prenez-y un rôle ;
- un besoin de partenariats : avec les lycées, le département et la région, mais aussi avec les campus Arts et Métiers, pour réaliser des kits de démo mobiles par exemple ;
- un soutien financier aiguillé : votre concours sera pleinement efficace si vous faites un don à la Fondation Arts et Métiers en spécifiant son emploi pour la fondation Du fer au savoir. Les petites gouttes font les grandes rivières, n’est-ce pas ?
Bravo et merci à nos champions de Liancourt pour leurs jeux d’eau (en bassine, dans des bouteilles en plastique, dans des montages en bois reproduisant la fonction des barrages et des écluses)... et de lumières : celles qu’ils éveillent dans les cervelles de nos futurs actifs, du plus amorphe au plus dissipé !

Jean-Baptiste Micewicz (Cl. 177)


(1) AMMag no 451, daté de juillet-août 2024, p. 60 : « De “La main à la pâte” à l’Evolutive Learning Factory ».
(2) Nicolas Joseph Cugnot (1725-1804), ingénieur militaire français, concepteur et constructeur éponyme du « fardier », premier véhicule automobile à vapeur jamais construit dans le monde. Le deuxième modèle, datant de 1771, est conservé au musée des Arts et Métiers, à Paris.
(3) Marius Lavet (Cl. 1910), inventeur en 1936 du principe du moteur pas à pas pour l’industrie horlogère.
(4) Loïc Briand est directeur général de Grain de Sail Shipping, à Morlaix (Côtes d’Armor). Chocolatier, torréfacteur et armateur, il effectue du transport décarboné de marchandises à bord des voiliers-cargos Grain de Sail I et Grain de Sail II.
 
Remerciements
Je tiens à remercier nos vestales Évelyne Dolbet, régisseuse du domaine, et Marie-Pierre Rabineau qui tiennent fermement le site de Liancourt, ainsi que nos bénévoles Antoine Bardinet (Bo. 169), ancien président et secrétaire du FAS, Fernand Bertheau (Li. 179), Emmanuelle Deschamps (Cl. 190), Patrick Drieu (Cl. 172), trésorier du FAS, Fabrice Genisson (Ch. 181), vice-président du FAS, Gilles Labat (Cl. 162), Paul Masson (Cl. 178), président du FAS, Luc Michel (Cl. 181), Patrick Ménard (Li. 177), Marc Moronval (Li. 167), Serge Picard et Roger Stanchina (Ai. 170), ancien président et président d’honneur de la Fondation Arts et Métiers.