Projet SDC2 :
vers l’économie circulaire 4.0
Le projet « SDC2 » (Smart Disassembly Cell for Circularity) est financé par l’institut Carnot ARTS dans le cadre de sa mission de ressourcement scientifique et d'exploration des technologies de rupture. Ce programme a pour objectif prioritaire de récupérer, au-delà des ressources matières, des composants ou modules fonctionnels à forte valeur résiduelle pour développer des voies de réparation ou de fabrication. Nicolas Perry, enseignant-chercheur aux Arts et Métiers sur le campus de Bordeaux, accompagne ce grand projet fédérateur qui rassemble, autour des laboratoires AM de Bordeaux, de Chambéry, de Lille et de Metz (I2M, Lispen, L2EP, LCFC[1]), les partenaires de l’ESTIA Recherche (Bidart, Pyrénées-Atlantiques), du LAMIH(2) (Valenciennes, Nord) ainsi que les laboratoires grenoblois G2Elab et G-Scop(3). Il répond à nos questions.
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Par Eric Roubert
Publié le 2024-11-28
Arts & Métiers Mag : Quels sont les grands enjeux de ce projet ?
Nicolas Perry : Les enjeux écologiques n’échappent à personne. Désormais, la réglementation pousse les fabricants à afficher leurs indices de réparabilité et va bientôt imposer la réparation et la prolongation de la vie des produits comme objectif prioritaire de fin de premier usage. D’un point de vue géostratégique et macroéconomique, il est désormais clair qu’il faut gagner en souveraineté « matière » et « composants » pour sortir des dépendances d'approvisionnement. Si la récupération fonctionnelle n'est pas pertinente, un sur-tri des composants permettra de flécher des voies de recyclage des matériaux performantes, plutôt que d’avoir recours à un broyage global qui dilue les fractions d’intérêt, tout en réduisant l'efficacité de récupération « matière ». En termes économiques, il faut impérativement gagner en performance de traitement des produits. Les opérations de tri et de désassemblage sont encore très manuelles, ce qui réduit leur rentabilité et freine leur généralisation. L’idée est de n’avoir à mobiliser les opérateurs que sur des étapes clés ou critiques. Il y aura donc également un enjeu humain fort pour assurer la sécurité des opérateurs dans leur nouvel environnement de travail, tout en l'enrichissant des données et de l’aide technologique nécessaires pour piloter et mener l’intégralité du processus de désassemblage.
AMMag : Le projet a retenu trois cas d’études. Comment s’est opéré le choix ?
N.P. : En retenant les moteurs électriques, le gros électroménager et les convertisseurs de puissance, nous avons privilégié des objets qui montent en quantité, en tant que produits en fin de vie. Les systèmes liés à la transition électrique (moteur électrique, convertisseurs de puissance) ont des enjeux de matériaux et de ressources critiques (cuivre, terres rares…). Les études sur les batteries se concentrent actuellement sur les contraintes de sécurité « opérateurs » pour limiter les risques de chocs électriques et de départs de feu. Les DEEE [déchets d'équipements électriques et électroniques] sont un gisement de masse et donc un enjeu fort des filières de recyclage. Nous serons particulièrement attentifs au gros électroménager, car il pose des difficultés de manipulation pour les opérateurs et ouvre des voies de réparation, tout autant que de désassemblage.
AMMag : Plus généralement, quels sont les verrous technologiques prioritaires à lever pour accélérer l’adoption des modèles d’économie circulaire ?
N.P. : L'objectif est de faire pivoter les technologies pour passer de l'industrie 4.0 à la circularité 4.0. Le premier verrou est lié à la variabilité « produit ». Un produit en fin de vie est une somme d'incertitudes, notamment liées sur à ses conditions d’utilisation passées. Il faut aussi travailler sur la capacité à identifier les composants et pièces d'intérêt à récupérer, en fonction non seulement de leur criticité, mais aussi de leurs contraintes et perspectives de recyclage. Selon les marchés, la requalification des composants de seconde vie exigera des tests ou des certifications. Cela devra être anticipé lors des procédures de désassemblage.
Propos recueillis par Éric Roubert
Les chercheurs du projet réunis sur le campus Arts et Métiers de Paris.
(1) I2M : Institut de mécanique et d’ingénierie ;
Lispen : Laboratoire d'ingénierie des systèmes physiques et numériques ;
L2EP : Laboratoire d'électrotechnique et d'électronique de puissance ;
LCFC : Laboratoire de conception fabrication commande.
(2) LAMIH : Laboratoire d’automatique, de mécanique et d’informatique industrielles et humaines.
(3) G2Elab : Grenoble Génie électrique ; G-Scop : Grenoble-Sciences pour la conception, l'optimisation et la production.
photos / DR