Industrie / Portrait
Alexandre Isaac (Bo. 219)

Alexandre Isaac (Bo. 219)
Un parcours tout sauf téléphoné
Alexandre Isaac (Bo. 219) est un véritable phénomène. Chef d’entreprise avant même d’intégrer les Arts, il est aujourd’hui le fer de lance de la réparation et de la revalorisation de smartphones en France. Une histoire d’engagement environnemental, mais aussi d’hommes… et en l’occurrence de Gadzarts !
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Par Christophe Duprez
Publié le 2024-11-25
Le parcours professionnel d’Alexandre Isaac débute avant même son entrée aux Arts de Bordeaux en 2019. Dès 2016, alors qu’il est encore lycéen, il monte en effet une microentreprise de réparation de smartphones, Phone Repair Toulouse. « À la base, l’idée était de financer mes petites sorties », sourit-il. Ses locaux ? Le garage de ses parents qu’il transforme, le temps d’un week-end, en atelier spécialisé.
Une activité que ce Géo Trouvetou poursuit jusqu’à son arrivée à Bordeaux… qu’il célèbre en lançant, en septembre 2019, toujours dans la Ville rose, The Repair Academy, un centre de formation dédié aux métiers de la réparation, tant des écrans et des batteries que des cartes mères, expertise bien spécifique qu’il a développée au fil des ans. « Je mettais quelques tutoriels sur YouTube, explique-t-il, et des professionnels ont commencé à me contacter pour me demander de leur apprendre les compétences qu’ils n’avaient pas. J’ai alors décidé de lancer ma boîte. » Depuis sa création, plus d’une centaine de personnes sont ainsi formées chaque année par d’anciens élèves qui ont développé en parallèle leur propre activité de réparation.
 
UN DÉFI DE TAILLE
En 2021, alors qu’Alexandre effectue sa troisième année à Paris où il acquiert l’expertise CREDA (Création d’entreprise et développement d’activité), Emmanuel Rousseau, le dirigeant de Leasétic, société toulousaine de leasing de téléphones portables pour entreprises, lui soumet l’une de ses grandes préoccupations : l’optimisation de la gestion de ses appareils à la fin de chaque contrat, qu’il revend jusqu’alors à un courtier situé aux confins de l’Europe... Un défi de taille qu’Alexandre décide de relever. Mais pour cela, il lui faut à la fois des locaux, du personnel qualifié et un associé, qu’il trouve parmi les Gadzarts. Avec Louis Mettery (Bo. 217), les choses se mettent alors en place rapidement : un premier projet est proposé en janvier 2022, le business plan validé en mars, et la levée de fonds opérée en avril. Dès le mois de mai, une fois la société immatriculée, la production démarre dans des locaux toulousains. Seensys vient de voir le jour !
Dès sa création, leur petite entreprise ne connaît pas la crise. Elle rencontre même un succès qui ne cesse de s’amplifier et les pousse à rechercher des locaux plus grands. Ceux-ci seront dénichés en février 2023. L’équipe, composée actuellement de six personnes – deux associés, un commercial, deux techniciens et un logisticien – reconditionne 10 000 produits par an.
Et l’histoire ne s’arrête pas là. En août 2023, les deux compères ont racheté, avec deux amis associés, iSpart, un fonds de commerce spécialisé dans le recyclage et le reconditionnement des écrans de smartphones juridiquement indépendant de Seensys mais partageant des locaux communs. « Là où un réparateur se contente de remplacer l’écran cassé par un neuf, nous lui rachetons la pièce abîmée, indique Alexandre. Si elle est simplement fissurée et que l’afficheur fonctionne, les machines spécifiques que nous possédons à Toulouse et notre savoir-faire nous permettent de changer la couche de verre de 0,1 mm par une neuve et ainsi de sauver l’écran. »
 
RÉSOLUMENT ENGAGÉ
Fort de ces compétences, Seensys met en place la stratégie numérique d’entreprises de toutes tailles, dont le Groupe M6 ou encore Transilien, via des partenariats de leasing. Un train d’enfer qu’ils arrivent à suivre grâce, notamment, à leur formation gadzarique, déterminante dans l’optimisation de leur process. « Notre productivité se révèle en effet nettement supérieure à celle de nos concurrents. Une performance indispensable, car elle se situe principalement en Europe de l’Est et en Chine », souligne le jeune ingénieur. Avec son associé, qui partage comme lui son temps entre Paris et Toulouse, ils souhaiteraient d’ailleurs collaborer plus étroitement avec l’École : « Nous aimerions aider l’Ensam à revaloriser son parc informatique obsolète, qui s’accumule dans plusieurs salles de ses locaux parisiens alors qu’il pourrait connaître une seconde vie. Ce qui devient d’ailleurs de plus en plus une obligation légale pour les établissements publics. »
Alexandre est bien placé pour le savoir : résolument engagé, il siège au conseil d’administration et au bureau de Rcube, la fédération professionnelle du réemploi en France qui regroupe autant de TPE et PME que de grands groupes, comme Orange ou Leroy Merlin. Cette organisation se révèle particulièrement active dans les diverses commissions parlementaires afin d’aiguiller les lois de réduction de déchets vers la réparation et le reconditionnement de produits, alternative complémentaire au recyclage. « Le numérique responsable ne consiste pas uniquement à effacer ses e-mails, mais aussi à allonger la vie de ses produits, à baisser leur taux de renouvellement, à ne pas équiper chaque salarié de plusieurs outils électroniques alors qu’un seul suffirait… et, bien sûr, à penser à la case “réparation” ! »
Car la motivation d’Alexandre est avant tout environnementale : « J’aurais pu, comme beaucoup, opter pour un travail bien plus lucratif de consultant dans une haute tour de La Défense, mais cela n’aurait pas eu de sens pour moi. Aujourd’hui, mon activité me permet d’avoir un impact bénéfique à la fois pour la planète et pour l’économie de mon pays. Et en prime, je m’amuse tous les jours ! »
 
Christophe Duprez
 
Alexandre Isaac (Bo. 219)
2016 Création de Phone Repair Toulouse.
2019 Lancement de The Repair Academy.
2022 Création de Seensys.
2023 Rachat d’iSpart.