Sadev, une mécanique de compétition

Sadev, une PME familiale, participe à la réputation industrielle de la Vendée par la reconnaissance internationale de ses boîtes de vitesses conçues et fabriquées pour les pilotes de sport automobile. L’idée de la compétition se retrouve au cœur de l’usine.
____________________
Par Djamel Khames
Publié le 2024-10-08
C’est dans les ateliers de l’usine Sadev, à Saint-Prouant, en Vendée, « au cœur du Mittelstand français(1) », que s’activent quelque 150 ouvriers (sur 270 salariés au total). Là, sur 10 000 m², ils produisent transmissions et boîtes de vitesses parmi les plus prisées du sport automobile mondial. Des exemples ? Les bolides de l’équipe Peugeot TotalEnergies ont roulé aux dernières 24 Heures du Mans avec des transmissions Sadev. Et, au dernier Dakar, 86 % des voitures participantes avaient opté pour au moins un équipement maison.
La fabrication d’une boîte de vitesses prend sa source dans la zone de stockage où sont entreposées les matières premières. On y trouve principalement lopins, barres et autres éléments métalliques. « L’acier que nous utilisons est fait de nuances élaborées par Sadev, affirme Emmanuel Jamin, chargé du développement international. Les exigences du sport automobile, les plus sévères juste après celles de l’aéronautique, imposent l’emploi d’un matériau aux propriétés mécaniques sans égales et un usinage micrométrique. »
Ce métal, fabriqué sur mesure et en quantités relativement faibles, doit être commandé de 12 à 18 mois à l’avance, ce qui suppose une programmation de la production qui intègre de potentiels aléas.
LE DÉCOLLETAGE, UNE ACTIVITÉ INATTENDUE
Surprise ! On pratique le décolletage dans le premier atelier, une activité quasi inexistante ailleurs que dans la vallée de l’Arve. Le décolletage permet de produire des pièces mécaniques de précision, à partir de barres ou de fils métalliques en torche. Particulièrement complexes, les machines de décolletage imposent un paramétrage pointu de leurs différentes fonctionnalités.
Cet investissement est le fait de Benoît Vincendeau, le fondateur de Sadev, qui, selon ses termes, a cherché à « faire de l’industriel dans le métier artisanal des boîtes de vitesses séquentielles ». Ces boîtes, autrefois réservées aux voitures de formule 1, sont également appelées « semi-automatiques ». Elles allient la fluidité d’une boîte automatique à l’interaction d’une manuelle. Avec la séquentielle, le conducteur garde le contrôle du changement de couple.
Plusieurs embarreurs, alignés les uns à côté des autres, guident des barres, après leur redressage, vers un tour automatique qui les transforme, les unes après les autres, en diverses pièces : arbres, pignons, barillets, plaques… « Les opérateurs appliquent les tolérances d’usinage communiquées par le bureau d’études. Elles diffèrent selon la fonctionnalité des pièces, indique Emmanuel Jamin. La précision ultime, de l’ordre de quelques microns, est appliquée à nos engrenages, par exemple. »
LE TAILLAGE, CŒUR DU MÉTIER
C’est ici que prennent forme les engrenages. De la qualité de leur usinage dépend la performance des boîtes de vitesses. Les cylindres d’acier

obtenus par décolletage sont taillés à l’aide d’une fraise en vue d’obtenir les dents. Grâce à la commande numérique de ces machines, les opérateurs peuvent spécifier aisément le nombre de dents à découper et ajuster la vitesse et l’angle de découpage.
Sadev emploie des machines multifonctions capables, entre autres, de réaliser l’usinage de la surface extérieure du cylindre (taillage par fraisage) et celui de la surface intérieure (taillage par brochage). En réduisant le nombre de changements d’outils, la productivité s’en trouve améliorée. «
Avec les nouvelles machines-outils, nous avons divisé par trois le temps de fabrication d’un engrenage », soutient Emmanuel Jamin.
Il existe aussi un atelier de taillage dédié aux engrenages coniques hélicoïdaux, opération réalisée à l’aide de machines-outils de marque Klingelnberg, la Rolls de sa catégorie. «
Eurocopter et Sadev ont été longtemps les seules entreprises industrielles à en disposer en France », se souvient Benoît Vincendeau.
FINITION ET CONTRÔLE DES PIÈCES
Les pièces des boîtes de vitesses fabriquées sur le site de Saint-Prouant reçoivent systématiquement un traitement de surface pour augmenter leurs qualités mécaniques et leur résistance à la corrosion.
Les pièces en acier sont brunies via un processus électrochimique qui transforme leur surface en une couche oxydée noire. Les pièces en aluminium sont anodisées selon la méthode de passivation électrolytique où les ions d’oxygène viennent se coller aux surfaces métalliques, faisant en quelque sorte office de bouclier.
Certaines pièces sont régulièrement contrôlées, parfois à différentes étapes de leur réalisation. « Une fois le traitement thermique réalisé, les pièces subissent naturellement une déformation. C’est le département rectification qui va permettre de les corriger et d’atteindre les cotes les plus exigeantes requises par notre bureau d’études », déclare Emmanuel Jamin. Vient ensuite le marquage des pièces. Chacune d’elles reçoit un numéro de pièce et un numéro de série, gravés au laser. « C’est très important pour leur traçabilité, souligne Emmanuel Jamin, aussi bien pour les pièces de première monte que de rechange. »
L’ASSEMBLAGE


De leur côté, les carters subissent de nombreuses opérations de finition dans un tour robotisé. Les outils nécessaires au fraisage sont automatiquement changés à chaque opération programmée par le bureau des méthodes, grâce à l’approvisionnement issu d’un magasin qui en contient plus de 300.
Une fois prêts, les carters rejoignent l’atelier d’assemblage où les ouvriers produisent quelque 2 000 boîtes de vitesses chaque année. Sept sur dix sont exportées vers 105 pays. Ce sont les pilotes de course qui ont fait de Sadev le numéro un mondial de son secteur.
Djamel Khamès, à Saint-Prouant
(1) Formule de Bruno Retailleau, sénateur vendéen, prononcée à l’occasion du 50e anniversaire de Sadev. Le terme « Mittelstand » désigne, en Allemagne, le tissu économique très dynamique formé par l’ensemble des (très nombreuses) ETI et PME familiales et moyennes.
BE et BM travaillent main dans la main
Les 15 personnes du bureau d’études (BE), dirigé par Fabien Poisson, collaborent étroitement avec les huit personnes du bureau des méthodes (BM). La communication est permanente entre les deux équipes. « Par exemple, la conception de nouvelles géométries de pièces, corroborées par la simulation, notamment celle du stress appliqué aux transmissions, ne suffit pas à les adopter. Il faut également les faire valider par le BM. En effet, les machines-outils de notre parc doivent être en mesure d’usiner cette nouvelle géométrie », explique Fabien Poisson.
D.K.
Petite histoire d’une aventure industrielle familiale
Benoît Vincendeau, fils d’agriculteur, a fondé Sadev en 1974. Il a démarré seul comme sous-traitant d’industriels locaux derrière sa machine de

fraisage-tournage. Ce passionné de sport automobile, qu’il pratique comme amateur, ne supportait plus que les pignons de ses boîtes de vitesses cassent régulièrement, si bien qu’il décida de fabriquer son propre équipement. Sa nouvelle boîte de vitesses « subit » plusieurs courses sans dommage. Le bouche à oreille fit le reste : d’autres passionnés voulurent la même boîte. « Les commandes affluèrent : 500 en trois ou quatre ans », se souvient l’entrepreneur. L’histoire retiendra moins son parcours de pilote que son aventure de mécanicien. Après avoir investi les moteurs thermiques, Sadev explore aujourd’hui les motorisations électriques. Ses réducteurs ont déjà séduit plusieurs écuries, Renault Nissan notamment.Mais pour croître encore,
la nouvelle génération des Vincendeau, Sébastien et Bertrand, a décidé de se diversifier dans les engrenages d’autres secteurs industriels. D.K.
Benoît Vincendeau, fondateur de Sadev, reçoit le 31 mai 2024 un trophée marquant le 50e anniversaire de l’entreprise
Sébastien et Bertrand Vincendeau, les enfants du fondateur, ont pris le relais. Leur première grande décision stratégique : rester centré sur les engrenages, cœur de leur métier, en s’étendant à d’autres secteurs d’activité.

crédit photos : DR