Roland Lescure : Le sujet n’est pas seulement la transition liée au départ d’un certain nombre de seniors, mais comment accompagner les transformations industrielles et la transition écologique, tout en renouvelant et mobilisant de nouveaux viviers de talents. Pour cela il y a plusieurs actions à mener concernant la transmission des savoir-faire, la montée en compétences des individus et l’attractivité des métiers industriels. Nous mobilisons des moyens importants pour atteindre ces objectifs notamment à travers France 2030, où 2,5 Mds sont mobilisés sur la formation et les compétences. Nous travaillons également avec les industriels au niveau des comités stratégiques de filières (CSF) pour identifier les compétences dont ils ont et auront besoin dans les prochaines années. Sur la transmission des savoir-faire, les seniors ont un rôle évident à jouer. Le mentorat s’est beaucoup développé, notamment grâce à l’initiative 1 Jeune-1 Mentor mise en place sous le précédent. Par ailleurs, il est important que les entreprises s’engagent sur la transmission des savoir-faire en maintenant les seniors en poste, en leur proposant des opportunités et en favorisant leur recrutement. Concernant la montée en compétences des individus : France 2030 créera près de 160 000 emplois industriels supplémentaires, en revanche il faut se poser la question des personnes en poste, des techniques qui évoluent et des savoir-faire qui deviennent obsolètes. Je pense notamment à la filière automobile, notamment la fin des moteurs thermiques en 2035. C’est l’ensemble de la filière qui devra s’adapter. Les industriels du secteur ont commencé à s’en emparer pour accompagner ces transformations de compétences. Les entreprises ont leur responsabilité en tant qu’employeur pour développer l’employabilité de leurs salariés tout au long de leur vie professionnelle, les salariés doivent se saisir de ce droit  et les pouvoirs publics les accompagner. Nous l’avons fait dans le cadre de la loi pour choisir son avenir professionnel, nous continuons à le faire avec la simplification du dispositif de validation d’acquis par l’expérience (VAE) actuellement discuté au Parlement et nous continuerons à le faire notamment dans le cadre du projet de loi sur le plein emploi, et la création de France Travail.Enfin, sur le sujet du renouvellement et de la mobilisation de nouveaux viviers de talents, il est essentiel de faire connaître l’industrie et de multiplier les initiatives pour donner envie d’industrie à toutes et tous, quelle que soit l’origine sociale, culturelle ou géographique. Il faut parler des femmes et des hommes de l’industrie, mettre en avant des rôles modèles. Depuis cinq ans, la majorité présidentielle a mis en place des outils qui permettent de découvrir l’industrie. C’est le cas notamment de l’apprentissage dont l’industrie représentait 15 % des contrats en 2021.

 

Roland Lescure : Aujourd’hui 55 000 emplois sont non pourvus dans l’industrie et il y a plus de 200 000 projets de recrutements en 2023. C’est une bonne nouvelle car c’est une conséquence de la baisse du chômage et du dynamisme de l’industrie, mais cela représente un défi car aujourd’hui la plupart des dirigeants industriels peinent à recruter. Nous devons collectivement nous donner les moyens de réduire les tensions de recrutement actuelles et futures. Ce constat est partagé par tous et l’enjeu est majeur. C’est pourquoi nous avons décidé, avec Bruno Le Maire, de consacré un axe entier du plan pour une réindustrialisation verte aux sujets de la formation, des compétences et des talents. Nous avons donc missionné deux pilotes pour ce chantier, Astrid Panosyan Bouvet, députée de Paris, et Moussa Camara, président fondateur de Les déterminés. Ils travaillent depuis plusieurs semaines pour faire remonter des propositions concrètes sur ce sujet. Ces propositions auront vocation à s’inscrire dans le plan pour une réindustrialisation verte et à nourrir les véhicules législatifs qui arrivent sur la formation professionnelle, l’enseignement primaire, secondaire, professionnel et supérieur. Nous travaillons étroitement et collectivement avec mes collègues Olivier Dussopt, Pap Ndiaye, Sylvie Retailleau et Carole Grandjean pour faire de l’industrie un secteur qui donne envie aux jeunes, qui offre des emplois pérennes et présentant des opportunités d’évolution. Au-delà de ce chantier, je continuerai à me déplacer dans toute la France, toutes les semaines, pour rencontrer des jeunes leur parler d’industrie et renforcer l’équipe de France de l’industrie. Les Arts et Métiers peuvent largement contribuer, en formant leurs jeunes en lien avec les besoins industriels et les enjeux de la transition écologique, en élargissant leurs viviers de talents, en mobilisant leurs anciens élèves pour fédérer autour de l’industrie. Nous ne formons pas suffisamment d’ingénieurs et de techniciens, vous avez votre rôle à jouer. C’est ensemble que nous composerons cette équipe de France !