Technologie / Simulation
Chaire iPerform

Chaire iPerform
Relever les défis des technologies immersives
C’est à l’institut Arts et Métiers de Laval que vont être conduits pendant cinq ans les travaux de la nouvelle chaire de recherche iPerform sur « la performance collaborative via les technologies immersives et les mondes virtuels ». Ce projet ambitieux, qui répond aux enjeux d’accélération de ces technologies, a séduit trois partenaires majeurs, évoluant dans des secteurs d’activité très différents : Alstom, Chanel et France Travail.
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Par Eric Roubert
Publié le 2024-04-01
 
Les travaux de recherche en ingénierie permettront de décliner concrètement des cas d’usage liés aux problématiques spécifiques des partenaires.
 
Depuis bientôt vingt ans, l’institut Arts et Métiers de Laval, implanté au sein du Laval Virtual Center, est devenu une référence internationale dans les domaines de la réalité virtuelle (VR) et de la réalité augmentée (AR), lesquels sont désormais au centre des enjeux d’innovation de la plupart des secteurs d’activité.  Par ailleurs, plusieurs projets d’ampleur ont consolidé l’expérience et développé l’expertise de l’équipe locale du LAMPA (Laboratoire angevin de mécanique, procédés et innovation) rattaché au campus Arts et Métiers d’Angers.La chaire iPerform s’inscrit ainsi dans le prolongement des résultats et des innovations issues de la chaire Time to Concept et du projet européen « INEDIT ». Le professeur Simon Richir (Li. 184), titulaire de la chaire et directeur de l’institut lavallois, explique que le succès de ces deux projets « a largement contribué à convaincre les trois prestigieux partenaires de la nouvelle chaire ».
En effet, il était essentiel pour Alstom, Chanel et France Travail, les partenaires cofondateurs d’iPerform, de s’associer à de vrais experts des technologies immersives et de l’interaction homme-machine. « Nous avons déjà des initiatives diffuses dans certaines de nos agences avec des casques de réalité virtuelle pour favoriser la découverte des métiers. Il est intéressant d’aller au-delà et de se poser les questions de façon plus approfondie, avec de vrais spécialistes », confie Cécile Barbier, responsable du département Innovation et du Lab de France Travail.
Luxe, industrie, service public : ces organisations leaders dans des secteurs d’activité aussi différents ont choisi d’explorer ensemble les technologies immersives.
 
Chez Alstom, ce partenariat académique répond à la volonté du leader de la mobilité intelligente de « créer des connaissances nouvelles et de construire de nouveaux biens communs technologiques », selon les termes de Michael Haddad, son directeur Innovation et Partenariats.
Enfin, chez Chanel, « c’est le bon moment de prendre pied dans ces technologies en s’entourant de sachants. Aujourd’hui, nous avons dépassé le débat sur les plateformes et le hardware. Les modalités d’accès ne se réduisent plus aux casques VR et de nouvelles solutions apparaissent. Toutes les technologies sous-jacentes sont en train de maturer à grande vitesse. Enfin, la convergence avec l’IA va permettre d’atteindre une vitesse de libération décisive », avance Bruno Ménard, Global CIO.
 
UNE ÉQUIPE MULTIDISCIPLINAIRE ET EXPÉRIMENTÉE
« C’est la première fois que nous montons une chaire aussi fortement transdisciplinaire aux Arts et Métiers. Nous avons bien sûr des experts du génie industriel et des modèles numériques, mais aussi des spécialistes des sciences cognitives, de l’ergonomie et même un psychologue », souligne le professeur Simon Richir, qui pilotera les travaux.
Le professeur Simon Richir (Li. 184), directeur de l’institut Arts et Métiers de Laval, sera le titulaire de la chaire iPerform.
 
Sur le terrain, Sylvain Fleury, docteur en ergonomie et en psychologie cognitive, assumera la coordination scientifique. Il sera également responsable de l’axe « Interaction », alors que Geoffrey Gorisse et Olivier Christmann, maîtres de conférences à l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam), prendront respectivement en charge les axes « Incarnation » et « Perception ». Pour compléter cette dream team des environnements immersifs, Benjamin Poussard (Cl. 209), ingénieur de recherche au sein d’AMValor et coordinateur du projet « INEDIT », sera responsable des travaux de recherche en ingénierie qui permettront de décliner concrètement des cas d’usage liés aux problématiques spécifiques des partenaires.
L’équipe des scientifiques de l’institut Arts et Métiers de Laval impliqués dans le projet iPerform (de g. à dr.) : Sylvain Fleury, Geoffrey Gorisse, Simon Richir (Li. 184), Olivier Christmann et Benjamin Poussard (Cl. 209).
 
Agathe Laborde, psychologue et ergonome, vient d’être recrutée. Elle est la première des trois doctorants qui participeront au projet.
 
UN PARTENARIAT PORTÉ PAR AMVALOR
IPerform est un projet de recherche sur cinq ans qui assurera aux entreprises partenaires un accès direct aux résultats des travaux de recherche et de développement conduits dans le cadre de la chaire. Il offrira également une relation privilégiée avec les chercheurs du laboratoire et un état de l’art international permanent sur l’évolution des technologies concernées. Ce type de partenariat pluriannuel et structurant permet aussi aux entreprises de bénéficier de toute la puissance de recherche d’Arts et Métiers.
Pour Bertrand Coulon (Cl. 195), directeur du développement d’AMValor, la filiale de recherche partenariale et de transfert de technologie de l’Ensam qui porte ce projet pour le groupe Arts et Métiers, « la force des Arts et Métiers est de pouvoir mobiliser, pour ses partenaires industriels et socio-économiques, l’expertise de tous ses laboratoires sur le territoire. Si une problématique ponctuelle émerge au cours du projet et nécessite un apport de ressources scientifiques complémentaire au champ de compétences directes de l’institut de Laval, l’équipe de recherche peut alors très vite mobiliser cette ressource au sein des 15 laboratoires Arts et Métiers, et plus largement des 23 laboratoires de l’institut Carnot ARTS. Cela augmente d’autant le périmètre de compétences en R&D auquel tous nos partenaires ont un accès facilité. »
 
CHANEL, ALSTOM, FRANCE TRAVAIL : QUELLES CONVERGENCES ?
Luxe, industrie, service public : pourquoi des organisations leaders dans des secteurs d’activité aussi différents ont-elles choisi d’explorer ensemble les technologies immersives ? Les trois membres fondateurs de la chaire partagent tout d’abord les mêmes perspectives temporelles sur le sujet : leurs engagements respectifs relèvent d’une même démarche prospective.
« Au sein de l’équipe Global IT de Chanel, nous nous intéressons aux technologies très en amont et nous veillons à ce que les niveaux de maturité et de qualité soient suffisants pour être en cohérence avec l’exigence liée à notre image de marque et à l’excellence de nos produits. Cette année, nous avons introduit pour la première fois une visualisation 3D des montres J12 sur notre site Internet Chanel.com. Cette chaire est l’occasion pour nous d’apprendre et de nous positionner pour la suite », reconnaît Bruno Ménard.
Léopold Gilles, directeur de la stratégie, de l’innovation et de la RSE de France Travail, insiste : « C’est justement parce que nous voulons nous donner tout le temps nécessaire pour évaluer les possibles que nous avons retenu ce projet. »
 
UN MÊME DÉSIR DE PARTAGE
Les trois partenaires partagent également la conviction forte que la dimension collective du projet sera un atout considérable, enrichi par leurs différences. « Nous ne savons pas encore exactement comment vont évoluer ces technologies. Avoir des partenaires très différents est une force, c’est une fantastique opportunité d’aller explorer d’autres axes à côté desquels nous serions passés si nous avions conduit le projet seul », confie Bruno Ménard.
Pour Michael Haddad, de tels enjeux imposent une vision collective : « Chez Alstom, nous menons des études prospectives et construisons des scénarios sur les mobilités de demain. C’est un exercice que nous ne pouvons pas faire seul, en silo, nous avons donc naturellement une approche partenariale. Les mondes virtuels sont à la fois une technologie émergente dont nous voulons comprendre les usages avec d’autres, mais aussi un moyen de rendre plus tangible notre vision et la partager. »
Pour France Travail, la dimension partenariale valide l’intérêt du projet. Selon Léopold Gilles, « les entreprises sont les partenaires de France Travail. Nous ne pouvons pas être déconnectés des questions qu’elles se posent. Il nous faut comprendre leur façon d’envisager ces nouvelles technologies. Des projets comme iPerform y contribuent ».
Par-delà les convergences qui ont rendu possible cette géométrie de projet originale, chacun des partenaires conserve des attentes spécifiques.
 
FRANCE TRAVAIL : MISSION DE SERVICE PUBLIC ET IMMERSION PROFESSIONNELLE
Léopold Gilles souligne la cohérence entre ces technologies et les valeurs de l’organisation : « L’immersion est pour nous une notion fondamentale. On promeut l’immersion professionnelle pour nos demandeurs d’emploi, mais il peut exister des contraintes dans le monde réel qui réduisent notre capacité à en organiser autant qu’on le souhaiterait. Les technologies immersives peuvent apporter des solutions partielles. Cela peut aussi être l’occasion de satisfaire une partie de notre public qui a une appétence particulière pour ces innovations. Notre vocation est de répondre à tous les publics. Cela passe par l’accessibilité de ces technologies au plus grand nombre, tout en ayant conscience qu’elles ne conviendront pas à tous et qu’elles ne pourront jamais être la seule modalité d’accompagnement ou de formation à proposer. »
 
ALSTOM : AIDE À LA CONCEPTION, FORMATION DES SALARIÉS ET PRÉSENTATION DES PRODUITS AUX CLIENTS ET USAGERS
Pour Aurélie Perruchon, responsable du programme VR/AR chez Alstom, l’objectif est de fournir la meilleure interaction possible avec ces technologies : « Il y a chez nous des applications très concrètes. Nous cherchons tout d’abord à fournir les meilleurs outils d’aide à la décision à nos ingénieurs et à nos clients. En particulier lors des phases de conception, les possibilités de visualisation de phénomènes invisibles ouvertes par ces technologies nous intéressent beaucoup. Être capable de visualiser et de modéliser l’ambiance thermique ou sonore dans un véhicule peut avoir un impact direct sur les choix de design et sur l’amélioration du bien-être des usagers. L’enjeu de formation est également essentiel puisque nous avons des salariés à former dans 70 pays différents. Enfin, le développement de ces solutions immersives, collaboratives et interactives nous permettra de faciliter la présentation de nos produits à nos clients (les opérateurs), ainsi qu’aux usagers. »
 
CHANEL : STORYTELLING ET COOPÉRATION INTERNE
En plus des briques technologiques bien identifiées – stockage d’objets 3D, rendering, hardware, maîtrise des impacts environnementaux –, Bruno Ménard insiste surtout sur des objectifs en termes de storytelling et de coopération interne : « Notre marque s’ancre dans des récits et nous déclinons depuis longtemps la création de brand content sur différents supports. Aujourd’hui, nous souhaitons explorer ce que ces technologies de réalité virtuelle et de réalité mixte peuvent apporter de nouveau et de cohérent à notre storytelling. D’ailleurs, ce projet de recherche réunit chez Chanel différentes équipes. Pour nous, c’est une belle occasion de privilégier l’intelligence collective, comme nous aimons le faire au sein de la Maison. »
 
Face aux fortes attentes des partenaires et aux nombreux défis technologiques que son équipe devra relever, le professeur Simon Richir affiche une totale confiance : « L’expérience nous a prouvé que ce genre de projet, quand il est adossé à la fois à des équipes de chercheurs aguerris et d’ingénieurs de talent, capables de valoriser immédiatement chaque découverte, apporte bien plus aux partenaires que ce qu’ils en attendaient au départ. Les résultats scientifiques, les avancées techniques et les publications seront au rendez-vous. »
Éric Roubert
crédit photos : DR
 
Incarnation, perception, interaction
Les recherches conduites dans le cadre de la chaire iPerform s’articuleront autour de trois axes majeurs.
Incarnation
- Adapter les avatars aux caractéristiques individuelles des usagers.
- Explorer les modalités de représentation en environnement multiplateforme.
- Identifier les impacts d’un avatar en termes d’expérience utilisateur et d’interactions.
Perception
- Optimiser la qualité graphique et le réalisme virtuel dans un contexte multiplateforme.
- Développer les représentations numériques plurisensorielles.
- Représenter les phénomènes invisibles, complexes ou peu intelligibles et les rendre compréhensibles.
Interaction
- Optimiser l’interaction avec les agents virtuels autonomes et les avatars.
- Explorer les potentialités des mondes virtuels collaboratifs.
- Caractériser leurs usages et leurs limites.