Industrie / Supply-chain
Première partie : La chaîne logistique à l'ère du commerce électronique

Première partie : La chaîne logistique à l'ère du commerce électronique
 
En 2022, le chiffre d’affaires du e-commerce a augmenté de 14% en France et cette tendance de fond se poursuit. Nous sommes face à une cible de clients avec des exigences multiples et cela a des conséquences sur l’organisation globale des chaînes logistiques des entreprises. Pour répondre à ces nouveaux besoins il faut dans un premier temps définir la promesse client. C'est la démonstration que nous proposent les deux auteurs de cet article.
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Par Guillaume Asconchilo (Me. 210) et Suliac Lefeuvre (Me. 218)
Publié le 2023-10-30

 

Définir la cible

Pour adresser l’ensemble de ces enjeux dont la pérennité de l’entreprise dépend, il est impératif de définir la promesse client qui doit être en adéquation avec les vrais besoins d’aujourd’hui et de demain. Ces dernières années, l’amélioration de la promesse client concernait avant tout deux paramètres : le temps et le coût de la livraison. L’excellence d’Amazon, qui est capable de livrer un client seulement quelques heures après qu’il ait passé commande, est devenu une norme à atteindre comme gage de qualité de service. Beaucoup d’acteurs tendent donc vers ce niveau, parfois au détriment des besoins clients. Par exemple, être livré le jour même pour un chantier qui débutera dans un mois est une contrainte et non pas un avantage… Les clients commencent à préférer une livraison réussie du premier coup et qui respecte l’environnement à une livraison « ultra rapide ». Cette tendance de fond doit et va s’accentuer. Cela doit être pris en compte et proposé dans les promesses adressées aux clients. Ces multiples promesses sous-tendent toute la chaîne logistique de nos supply-chain qu’il faut donc repenser en profondeur. Elles doivent avoir la capacité de passer du « livrer vite » au « livrer mieux » tout en conservant un coût financier et une qualité de service optimales. De nouveaux paramètres rentrent donc dans l’équation de la cible client et cela demande une capacité d’adaptation que la chaîne logistique mondiale n’avait jamais connue auparavant. Nous sommes en mesure de nous poser la question quant aux choix stratégiques à effectuer pour la réalisation de son schéma directeur logistique. Comment définir l’emplacement de ses entrepôts dans un contexte futur incertain ? Quels éléments considérer pour faire ces choix à l’ère des mégadonnées ou big data ?

Effectuer les choix stratégiques

Le schéma directeur doit permettre de délivrer la promesse client, c’est-à-dire qu’il doit assurer la bonne livraison des produits aux destinataires. Que ce soit selon le tryptique coût, qualité et délais mais aussi en considérant l'impact environnemental ainsi que la justesse de livraison (au bon moment, au bon endroit). Cependant, le contexte actuel ne permet plus de se baser sur nos dogmes passés. Citons en exemple la délocalisation des produits et des stocks à l’autre bout du monde et les chaînes logistiques rigides. Plusieurs réflexions, tendances, sont en train d’émerger et viennent apporter une nouvelle vision de ce que sera la supply-chain de demain. L’implantation des stocks et des zones de production à l’autre bout du monde est en effet remise en question. Pour certains produits il est aujourd’hui préférable de les rapprocher des consommateurs, quitte à augmenter les coûts de stockage afin de sécuriser les chaines d’approvisionnements. Cela est d’autant plus vertueux que les kilomètres parcourus par les produits sont fortement diminués, ce qui réduit d’autant les coûts, les risques de rupture dans la chaîne d’approvisionnement et évidement les impacts sur l’environnement. Les acteurs cherchent donc à rapprocher leurs entrepôts des consommateurs, ceci pour leurs produits critiques (rares, chers, saisonniers, meilleures ventes…). L’impossibilité de prévoir le futur pousse les logisticiens à modéliser des scénarios afin d’anticiper des situations de crise pour s’y préparer au mieux. Ainsi, de plus en plus d’acteurs font appel à l’intelligence artificielle et à l’utilisation des données disponibles pour les aider à prendre des décisions éclairées. Les jumeaux numériques font par exemple leur apparition dans le monde de la supply-chain. Nous sommes aujourd’hui capables de modéliser un entrepôt et toute la chaîne logistique amont et aval pour scénariser différents jeux de flux. Cela nous permet aussi de travailler plus finement la conception des schémas directeurs industriels et d’apporter de l’aide dans les choix d’implantation des entrepôts.

Déployer les infrastructures

Les schémas directeurs industriels nous permettent de penser le sujet d’implantation des entrepôts avec une vision globale. Il faut ensuite la transposer au local pour définir les meilleurs endroits pour déployer les bâtiments. Pour cela, plusieurs critères sont à prendre en compte. L’accès aux infrastructures pour favoriser le multimodal dans la chaîne logistique. Les entrepôts historiquement proches des axes routiers doivent aujourd’hui être également proches des axes ferroviaires et fluviaux afin de permettre le report multi modal. En plein essor, il donne plus de souplesse dans les livraisons et diminue fortement l’impact environnemental. En effet, le train et le bateau sont moins polluants que le camion. Ils émettent en moyenne respectivement 20 et 91,6 grammes de CO2 par kilomètre et par tonne transportée contre plus de 669 grammes pour le transport routier selon une étude menée par l’Ademe. De plus, ils permettent une massification plus importante des produits à livrer. La proximité avec les zones urbaines denses qui regroupent une grande partie des destinataires. Positionner les entrepôts proches de ces zones permet de massifier le transport le plus longtemps possible, ce qui optimise la chaîne logistique amont. Les entrepôts peuvent ensuite opérer la fin de la chaîne logistique avec des modes de livraison doux afin de répondre aux nouveaux enjeux de la livraison urbaine. L’objectif de zéro artificialisation nette des sols engage également une réflexion sur la forme des entrepôts et l’optimisation de leurs utilisations. L’idéal d’un entrepôt plat avec tout au sol n’est plus possible. Il faut maintenant réfléchir en mètres cubes et non plus en mètres carrés. La robotisation et l’automatisation des entrepôts permettent d’optimiser grandement l’utilisation des volumes en diminuant le besoin d’espace de circulation et en massifiant le stockage. Cet objectif pousse également à l’apparition d’entrepôts verticaux, qui demande de revoir le fonctionnement interne de nos entrepôts traditionnels. Plusieurs acteurs mettent déjà en place ce principe, qui est fréquent au Japon notamment. Amazon a, par exemple, des entrepôts sur plusieurs étages en France.Une fois le schéma directeur défini, il s’agit ensuite de se concentrer sur les enjeux avec les circuits de proximité et la livraison des produits sur le dernier kilomètre. Mais ceci est une autre histoire à explorer dans le prochain numéro.

Les chiffres
  • Selon le baromètre 2023 de la livraison du dernier kilomètre, 43% des entreprises proposent à leurs clients la livraison sur rendez-vous. Le choix de créneaux de livraison précis est l’axe de travail prioritaire pour 47% des enseignes.

  • L’optimisation des coûts de livraison est la priorité sur la livraison du dernier kilomètre pour 44% des entreprises. Arrive en second le choix des bons partenaires de transport pour 33% des entreprises. L’impact environnemental des livraisons arrive en 7e position avec seulement 21% des entreprises considérant que c’est un défi à relever sur la livraison du dernier kilomètre.