Industrie / Aéronautique
Les Gadzarts au cœur de la machinerie Flying Whales

Les Gadzarts au cœur de la machinerie Flying Whales
 
Les médias couvrent largement l’actualité des start-up à travers leurs innovations, privilégiant souvent celles dont la croissance est folle, ou la valorisation hors normes. Ici, place aux anonymes qui font l’entreprise au quotidien, par petites touches. Témoignages.
 
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Par Djamel Khamès
Publié le 2023-10-19
Octave Jolimoy (Li. 215)
Créer un nouveau marché de transport vertueux
Titulaire d’un double diplôme Ensam-Tongji, une université chinoise située à Shanghai, Octave Jolimoy axe son mémoire de master 2 sur l’influence de la culture sur la perception sonore, notamment d’alarmes, dans le cadre d’un partenariat de recherche public-privé entre Tongji et le centre de design de PSA Shanghai, aujourd’hui Stellantis. De retour en France, le jeune homme se lance dans un nouveau projet : « Je devais démarrer un VIE [volontariat international en entreprise] en Chine, aidé par ma pratique du mandarin, pour le compte de Flying Whales. Ma mission portait alors sur la compréhension et le développement des marchés chinois et asiatique. » Mais le Covid-19 en décide autrement. Après son embauche en 2020, Octave Jolimoy prend en charge le projet « Flying Care » aux côtés de partenaires aussi prestigieux que Siemens (équipements médicaux), Roland Berger (conseil en stratégie), Ingérop (bureau d’études et d’ingénierie), Praesens Care (laboratoires mobiles), Adopale (conseil en santé) et Xavier Attrait, ancien médecin-chef de l’hôpital mobile de la Sécurité civile française.
L’hôpital mobile, par nature temporaire, peut être déplacé et mutualisé entre plusieurs communautés. Il est également fort utile en cas de catastrophes naturelles, notamment dans les zones isolées ou dépourvues d’infrastructures. La voie des airs est ici pertinente. Aujourd’hui, Flying Whales entrevoit des opportunités auprès d’organisations intergouvernementales et de gouvernements locaux, d’ONG ou encore d’acteurs privés.
 
Géraldine Le Roux (An. 196)
Mettre de l’huile dans les rouages de Flying Whales
Après avoir participé à la conception du moteur du char Leclerc, Géraldine Le Roux a élargi ses compétences chez Peugeot, notamment en conception, en gestion de projet et en maîtrise des coûts… des compétences validées par un certificat du Project Management Institute. « Partir d’une feuille blanche chez Flying Whales fait l’originalité et la difficulté de ma mission au sein de l’équipe gestion de projets, confie-t-elle. Il y a tout à construire : les processus, les documents types qui serviront aux rapports, les budgets du programme “conception” du dirigeable, les calendriers, l’identification des risques, etc. » Son travail est imperceptible mais essentiel à la bonne marche de l’entreprise puisqu’il normalise et fluidifie les relations entre les ingénieurs de conception, la direction des programmes et celle de la start-up. Motivée par les valeurs de la société, Géraldine Le Roux n’hésite pas à mouiller la chemise pour que les chefs de projet adoptent les bons réflexes (comme tenir à jour leurs rapports) dans une formulation homogénéisée. Pas facile de faire entendre raison à des personnes dotées d’une grande autonomie. Sept mois après son embauche, elle affirme n’avoir « pas encore reçu de refus catégorique à [s]es consignes ». Ces rapports permettent en effet de structurer le travail des responsables tout en informant la hiérarchie sur l’état d’avancement des différents chantiers. Bénéficier des bonnes informations pour prendre les bonnes décisions.
 
Laura Guillermain (Li. 213)
Œuvrer à l’industrialisation des dirigeables
« Venant de l’aérospatial, je cherchais à me réaligner avec mes préoccupations environnementales et sociales », se rappelle Laura Guillermain. Plus d’un an après son embauche, l’enthousiasme est toujours là. Installée dans le bureau bordelais de la start-up où phosphorent une quinzaine de cerveaux, Laura Guillermain participe activement à la manière dont seront fabriqués les dirigeables dans la future usine de Laruscade (Gironde), un site de 75 ha. À Bordeaux sont regroupés les futurs opérateurs des dirigeables et les équipes « indus » qui seront bientôt divisées entre production et méthodes. Elle y mène plusieurs missions : définition (à partir des briques de design) des process d’assemblage des systèmes propulsifs (motorisation et hélices), création des plans des tests destinés à valider le dirigeable « tel que fabriqué » et spécification du bâtiment, notamment le hall de tests. La future usine de 70 m de haut et de 240 m de long (halls d’assemblage et d’essais), dans laquelle pourrait tenir le Grand Palais, doit en effet permettre d’œuvrer en toute aisance. La base industrielle comprendra un espace logistique, un bâtiment où seront fabriqués les sous-ensembles dont les hélices et le cockpit, ainsi que deux halls dédiés à l’assemblage du dirigeable, au gonflage et aux tests finaux (essais fonctionnels, contrôle géométrique, notamment par photogrammétrie…). L’objectif est de fabriquer douze dirigeables par an. « Ces quantités semblent petites, comparées à celles de l’automobile par exemple. Pour les dirigeables, on doit s’adapter aux contraintes actuelles de l’industrie en partant de rien, un très beau challenge industriel », assure Laura Guillermain.
 
Swann Mahé (Ch. 207)
Focalisé sur la structure et la peau du dirigeable
Swann Mahé, ex-chef adjoint du service du fuselage des Falcon chez Dassault Aviation, dirige depuis fin novembre 2022 les bureaux d’études chargés de la structure du dirigeable (son squelette), des matériaux et des calculs. Une quarantaine de personnes y travaillent, bientôt soixante. « En matière de structure, nous allons entrer en phase de dessin détaillé, nécessaire à l’équipe des tests. Les tubes en fibre de carbone qui composent la structure seront fabriqués industriellement par pultrusion (extrusion par tirage), un procédé de fabrication en continu permettant la création de profilés (ou de tubes) de section constante et en grande série », déclare Swann Mahé. La structure du modèle LCA60T est peu conventionnelle en comparaison des autres aéronefs, de nombreuses interfaces rendant son développement complexe. La structure du dirigeable prendra forme une fois que les tubes en carbone seront assemblés (par boulonnage) à des pièces en aluminium, dites « pièces de jonction ». Ce squelette sera ensuite recouvert d’une enveloppe faite d’un textile technique fabriqué par Diatex, un sous-traitant français, à partir du cahier des charges de la start-up. La formulation de ce textile a été mise au point, en partie, en interne par le département Design. La conception du dirigeable de Flying Whales se distingue de celle d’autres acteurs par son système de levage en vol stationnaire. En effet, celui-ci doit pouvoir fonctionner avec précision au regard des charges soulevées, résister aux vents dans des limites comparables à celles des grues, sans rien faire tomber. Les certificateurs accorderont une attention particulière à la grue asservie. Une fois la certification acquise, le dirigeable pourra transporter une soixantaine de tonnes, avec des émissions de gaz à effet de serre largement inférieures à celles d’un hélicoptère, dont la capacité d'emport s’avère, de plus, limitée à cinq tonnes.
 
Lucas Stoppa (Me. 219)
Coconstruire une certification « dirigeables » avec l’EASA
« J’ai postulé à un stage de fin d’études chez Flying Whales – et l’ai obtenu – parce que son projet m’avait séduit par son originalité et par sa dimension environnementale », témoigne Lucas Stoppa. Intégré dans l’entreprise en mars 2023, il a la délicate mission de mener à bien la certification de l’aérostat. « Mon souhait d’intégrer l’équipe chargée de la certification, domaine que je ne connaissais pas, a été exaucé », confesse-t-il. Ce département est en relation avec l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA, en anglais). Il a pour mission de réaliser un design en conformité avec les règles de sécurité fixées par l’EASA, notamment avec la certification « données d’adéquation opérationnelle » (OSD, en anglais). Doivent ainsi être fournies les informations nécessaires à la formation des pilotes et des mécaniciens, à la création d’un simulateur de vol pour le personnel navigant, dont les grutiers, etc., sans oublier la « liste minimale des équipements fonctionnels » requis pour le bon fonctionnement des dirigeables. « La certification OSD existe déjà pour les avions et les hélicoptères, mais pas pour les dirigeables. Mon travail consiste donc à l’adapter aux aérostats, en coconstruction avec l’EASA », affirme Lucas Stoppa. Au terme du stage, Lucas aimerait être embauché par Flying Whales. Il n’y a pas de raison que ce souhait ne soit pas exaucé, comme le premier…