Industrie / Aéronautique
Flying Whales écrit une nouvelle page de l’histoire aéronautique

Flying Whales écrit une nouvelle page de l’histoire aéronautique
Les dirigeables ont le vent en poupe. De nombreux projets fleurissent à travers le monde. Celui de Flying Whales compte parmi les plus audacieux, notamment par sa taille (200 m de long, 50 m de diamètre). Il l’est aussi par sa finalité : le transport de charges lourdes (jusqu’à 60 t) en zone inaccessible et, a fortiori, en zone accessible. Le point sur une start-up singulière.
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Par Djamel Khamès
Publié le 2023-10-19
Créée par Sébastien Bougon en 2012, la start-up suresnoise est partie d’une idée simple : aider les forestiers à exploiter les zones éloignées sans construire de nouvelles infrastructures de transport. L’Office national des forêts (ONF), actionnaire de la première heure, en a vite saisi l’intérêt. Depuis, le champ d’action s’est élargi : transport de grands éléments d’éoliennes, de préfabriqués du BTP, d’hôpitaux mobiles, chargement-déchargement de navires dans les ports congestionnés… Ici, l’imagination est la seule limite.
Des partenaires techniques de choix
La légèreté du dirigeable, due à la faible densité de son gaz porteur, l'hélium, est un avantage car l’énergie requise pour son maintien en vol est faible. Pour atteindre cet objectif, des premiers travaux ont été lancés à l’origine du projet, notamment avec l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), afin de valider le type de technologie à mettre en œuvre. Rapidement, d’autres travaux ont suivi, dont les plus importants portèrent (ou portent encore) sur la forme de la structure du ballon, le matériau de cette dernière (tubes en carbone), la nature de l’enveloppe (textile technique), la performance du système de levage permettant de transporter, en toute sécurité, différents types d'objets dans des conditions environnementales variées. Une vingtaine de familles de brevets ont été déposées. Globalement, la jeune pousse s’est bien entourée pour mettre au point son dirigeable : l’Onera pour la modélisation aérodynamique, Amazon Web Services pour la puissance de calcul, Pratt & Whitney pour la motorisation, Thales pour l’avionique, Safran pour les systèmes de génération et de distribution d’électricité, Air Liquide pour la fourniture d’hélium, Diatex pour le textile technique, etc.
800 dirigables de transport de marchandises
En juin 2023, Flying Whales réussissait ainsi à regrouper cinquante entreprises au sein d’un consortium technique. Le projet de Flying Whales a rapidement convaincu puisque, dès septembre 2013, soit un an après la création de la start-up, il était retenu dans les 34 plans du programme « Nouvelle France industrielle » lancé par le gouvernement d’alors. L’entreprise lèvera 10 millions d’euros (M€) quatre ans plus tard, puis 30 M€ en 2019 et 122 M€ en 2022. L’investissement total estimé pour la réalisation de son dirigeable, usine comprise, s’élève à 450 M€. Un montant supporté par ces levées de fonds et par des financements publics. Après l’ONF, de nouveaux actionnaires privés et publics ont rejoint la start-up : la région Nouvelle-Aquitaine, Investissement Québec, Paris Aéroport, Bouygues, Air Liquide, Société Générale Assurances, l’État français via French Tech (souveraineté opérée par Bpifrance), parce que le transport touche au régalien… La jeune pousse évalue les besoins mondiaux à 800 dirigeables de transport de marchandises. Elle compte en produire 160 dans la décennie. L’usine girondine qui va voir le jour en fabriquera jusqu’à un par mois. Deux autres sites seront bâtis, l’un au Québec et l’autre en Asie-Océanie, afin d’adresser leur marché respectif. Aujourd’hui, 150 salariés planchent sur la réalisation de l’aérostat et de l’usine qui le produira, ainsi que sur la création de la société qui l’opérera. À terme, la manufacture girondine emploiera à elle seule 300 personnes. Au-delà des défis techniques à lever, le projet de Flying Whales séduit aussi par ses capacités de décarbonation d’une partie du transport aérien. Tous ces ingrédients font dire à Swann Mahé (Ch. 207), responsable du bureau d’études de la start-up, que « les salariés ont le sentiment d’écrire une nouvelle page de l’histoire aéronautique ». Quoi de plus motivant ?