Industrie / Décarbonation
Terreal fait la chasse aux émissions « carbone »

Terreal fait la chasse aux émissions « carbone »
Dans le cadre de sa feuille de route bas carbone, Terreal, leader européen de la tuile en terre cuite avec 1 toit sur 5 en Europe, continue sa transition énergétique et environnementale. Illustration.
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Par Djamel Khamès
Publié le 2023-10-04
L’usine de matériaux en terre cuite de Terreal, à Roumazières-Loubert (Charente), est alimentée – depuis sa création en 1907 – par une argile extraite de carrières distantes de quelques kilomètres à peine. Comme ses consœurs en France, le secteur du bâtiment qu’elle alimente est également local ou national à 95 %, selon les données de la Fédération française des tuiles et briques (FFTB). L’extraction de la matière première (argile) et son transport, comme celui des produits finis (tuiles, briques), émettent finalement moins de carbone qu’on ne pense. En revanche, le séchage et la cuisson des tuiles sont énergivores. En effet, celles-ci sont séchées, puis cuites pendant plusieurs heures, autour de 1 000 °C, dans des fours d’une longueur pouvant atteindre 150 m. Abaisser la consommation d’énergie n’est pas une action nouvelle dans la profession. Elle a mécaniquement entraîné, selon la FFTB, une réduction en trente ans « de près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre [GES] ». C’est un résultat à saluer, mais la motivation a d’abord été financière avant d’être environnementale.
L’environnement, un nouvel aiguillon
Depuis 2020, le Code de l’environnement impose aux entreprises d’établir progressivement le bilan de leurs émissions de GES(1). Et plus nous avancerons dans le temps, plus la réglementation « écologique » se durcira. Cela explique que nombre d’entreprises annoncent régulièrement leurs objectifs de réduction d’ici à 2030, puis à 2050. À cette date, le « zéro émission nette » deviendra la règle.
La pandémie et la guerre en Ukraine – dont l’impact sur les budgets alloués à l’énergie a été violent – ont joué en faveur d’une accélération de la maîtrise des consommations de gaz, d’électricité, de pétrole… Selon Olivier Butel, directeur industriel de Terreal, « le prix du gaz a été multiplié par vingt au pire moment de la crise. Il reste aujourd’hui de quatre à cinq fois supérieur à celui d’avant-crise. En parallèle, le prix du carbone est passé de 5 € en 2002 à 100 € en 2023, si bien que la pérennité de la filière des matériaux en terre cuite est en jeu ». Pour survivre, ce secteur d’activité s’est fixé l’objectif de réduire ses émissions de GES en deux étapes : –30 % d’émissions de CO2 par mètre carré de produits en 2030 (scope 1(2)), par rapport à une année de référence établie à 2015, et vise la neutralité carbone à l’horizon 2050 (scope 1 aussi). C’est dans ce contexte que Terreal a engagé un vaste plan de décarbonation avec une feuille de route « bas carbone » dédiée. Pour y parvenir, le groupe a planifié quatre cents actions à déployer au cours des prochaines années.
Des actions étalées dans le temps
En avril dernier, jour de l’inauguration officielle de la nouvelle ligne UT8 de séchage-cuisson de l’usine de Roumazières-Loubert, Jean-Baptiste Fayet, directeur général de Terreal France, a insisté sur les montants investis et sur la baisse de la consommation de gaz, respectivement « de 6,4 millions d’euros [M€], dont 1,3 M€ de subvention de la région Nouvelle-Aquitaine(3) », et « de 6,5 % […], soit l’équivalent de la consommation de 3 800 logements. A conjointement été évitée la production de 2 600 t de CO2 ».
L’usine de Roumazières, l’une des plus grandes en Europe, accueille quelque 350 salariés, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, lesquels produisent une tuile sur deux vendues en Nouvelle-Aquitaine (220 000 t). Celles-ci peuvent couvrir les toits de 120 m² de 30 000 maisons. La décarbonation du site charentais est donc importante au regard des objectifs de Terreal.
Là-bas suivra le chantier de récupération de la chaleur fatale (air chaud) sortie des fours en vue de l’acheminer aux séchoirs, comme cela a été réalisé à l’usine Terreal de Montpon-Ménestérol (Dordogne). Cela devrait diminuer substantiellement la consommation énergétique primaire des séchoirs et, par effet de ricochet, des émissions « carbone ». Terreal a également programmé un recours aux énergies renouvelables, notamment le biogaz obtenu par méthanisation de déchets organiques ou l’électricité issue de panneaux photovoltaïques… Il y a de la place à Roumazières, où les terrains s’étendent sur 40 ha.
Ces investissements suivent ceux que l’industriel a déjà mis en œuvre, de 2018 à 2020, en Charente et en Dordogne. Sur ces deux sites, la consommation d’énergie a diminué de 11 % en cumulé depuis 2018, et les émissions de GES de 5 200 t.
 
 (1) Lire AMMag no 444, de mai-juin 2023, p. 24-26.
(2) Le « scope 1 » correspond aux émissions directes provenant des installations fixes ou mobiles de l’entreprise ou du groupe. Le « scope 2 » associe la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur importée pour les activités de l’entreprise. Le « scope 3 » se rapporte aux émissions indirectes produites et liées à la chaîne de valeur complète. L’idéal serait que les entreprises annoncent leur objectif de décarbonation sur les trois scopes.
(3) Faute de référentiel dans ce secteur d’activité, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) n’a pas apporté son écot.