Debat / Point de vue de Jean-Baptiste Micewicz (Cl.177)
Les vieux ont toujours tort

Les vieux ont toujours tort
Il faut toujours regarder la jeunesse avec bienveillance. Elle peut nous étonner, nous choquer aussi lorsqu’elle profère des jugements hâtifs ou fait preuve de désinvolture. Mais c’est oublier un peu vite que les moins jeunes ont le devoir d’exemplarité. Faites ce que je dis, pas ce que je fais», tel est le terrible contre-adage qui se vérifie trop souvent. Notre génération et la précédente ont allègrement pollué la planète, pillé ses ressources et rendu le commerce des objets inutiles indispensable dans les esprits. Ne nous étonnons donc pas que la jeunesse nous reproche notre inconséquence, soit attirée par des actions écologiques violentes ou encore – comble de la contradiction - soit accro aux écrans et aux réseaux sociaux.  
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Par Jean-Baptiste Micewicz
Publié le 2023-11-02
Notre génération et la demi-génération suivante ont «fumé» allègrement quand les jeunes d’aujourd’hui étaient collégiens ou en couches. Ne nous étonnons donc pas qu’une immense proportion de la jeunesse consomme des stupéfiants. Nous avons défendu la liberté d’opinion et la liberté de comportement, y compris sexuelle, et nous sommes désormais inondés de sites malveillants et pornographiques qui effraient, ou fascinent, mais sûrement déstabilisent des préados et des ados déjà fragiles par nature. Ne nous étonnons donc pas que désormais des gamins «baignent» dans le voyeurisme sexuel et soient incapables de découvrir, respecter et aimer durablement un partenaire pour la vie après avoir atteint un âge raisonnable...
LES CHATS NE FONT PAS DES CHIENS

Oui, ils ne respectent plus l’autorité, défient les professeurs, et même pour certains leurs parents – les chats ne font pas des chiens –, s’en prennent physiquement aux enseignants que d’autres, enfants ou parents, s’empressent de «dénoncer». C’est bien sûr inacceptable, mais ne nous étonnons pas que cela se produise. On déplore à juste titre les territoires perdus par la République, les rodéos infernaux et leurs victimes, mais demandons-nous où et par qui ces gosses revêches, attirés par la provocation et la bagarre, ont été éduqués: par des gens qui haïssent la République, c’est possible, mais aussi et surtout par des gens incapables d’exercer une autorité sur eux, faut d’exemplarité. Aussi l’attrait de l’argent facile l’emporte-t-il surtout effort d’éducation chez ces jeunes talents gâchés. On demande à la jeunesse d’aujourd’hui la sobriété? Un homme politique se fait pincer pour un avantage indu (un appartement luxueux loué à prix modique ou des vols privés à bord de jets de la République, par exemple). Un ancien Premier ministre vante l’honnêteté et l’impossibilité de postuler à une charge élective quand on est mis en examen? Le voilà condamné pour abus de biens sociaux! Un autre beau discoureur, pas opportuniste, intègre l’écologie dans sa faconde et se promène en SUV polluant à souhait à l’issue de ses meetings. Un ministre jure sur on ne sait qui ou quoi (son honneur, peut-être, et les yeux dans les yeux de surcroît) devant la représentation nationale qu’il n’a jamais mis un seul penny en Suisse, et on lui découvre des comptes cachés au pays du gruyère...

LA TENTATION DE L’ANARCHIE

Tous ces «exemples» sont, hélas, retenus par des âmes fragiles et sans discernement, à l’affût d’excuses pour leur propre déshérence et désarroi. Et comment pourraient-elles ne pas être déboussolées dans un monde qui leur offre pour toutes perspectives le réchauffement climatique, le dérèglement des flux migratoires, l’affaiblissement des démocraties, l’émergence d’impérialismes et de dictatures d’autres siècles, une guerre à nos portes, une sobriété synonyme pour elles de pauvreté, voire de misère, y compris pour faire des études, une violence et une agressivité omniprésentes...La tentation du dénigrement des élites, de l’anarchie, de la désobéissance, du «combat» (désespéré), bien plus stimulante car excitant les mauvais instincts et donnant l’impression de «faire quelque chose», est grande! Il suffit de voir la posture nouvelle de certains écologistes radicaux qui, hélas, parviendront un jour à maculer irrémédiablement un chef-d’œuvre mal protégé contre leurs projections. Le numérique, Internet et les jeux ont envahi la vie des jeunes– et même un peu les nôtres – pour le meilleur et pour le pire. Nous y sommes, là encore, pour quelque chose, nos jeunes ayant juste embrayé derrière nous pour sur développer encore cet «Adventure Land» sans repères, au point de créer maintenant un futur «méta-paradis» pour fuir la vie réelle. Rap-pelons-nous: petits, nous avons joué, heureux, avec des boîtes, des cubes et des caisses à savon, faisant marcher notre imaginaire qui, en retour, a développé notre créativité. La jeunesse d’il y a quinze ans, aujourd’hui trentenaire et jeune parent, a-t-elle conscience qu’elle-même est déjà, à son niveau, coautrice d’une catastrophe à venir en laissant ses enfants regarder des vidéos sur un écran pour avoir la paix, laissant découvrir déjà chez certains d’entre eux un défaut de développement cognitif?

EN MAL D’EXEMPLARITÉ

Comment un maître d’école peut-il se faire respecter en expliquant à ses petits élèves tétant au biberon de l’islamisme la place indispensable et respectable, à égalité avec l’homme, de la femme dans la société, et les mérites de l’ascenseur républicain issu de la Révolution et de la laïcité, alors que des députés de la nation sifflent la tenue vestimentaire d’une ministre dans l’hémicycle, ou encore lorsqu’un député de la nouvelle génération, réputée «insoumise», gifle sa femme? Où est l’exemplarité, la transmission par la conviction et l’adhésion? De la même manière que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, les aînés auront les enfants qu’ils méritent s’ils ne les éduquent pas. C’est une vérité ancienne, mais plus criante aujourd’hui dans une société à la dérive où tout s’accélère. Des gosses sans éducation parentale, sans repères, sans discernement sur «ce qui est bien» et «ce qui est mal» en société ou, à tout le moins, sur «ce qui se fait» et «ce qui ne se fait pas» en société pour que celle-ci ne se délite pas, dériveront à coup sûr vers le pire pour eux et pour leur entourage.

RECONNAÎTRE LES ERREURS DE NOTRE LAXISME

Alors, ne nous étonnons pas de découvrir aujourd’hui que nos systèmes démocratiques sont fragiles, malgré leurs institutions et leurs corps intermédiaires; que des citoyens lambda peuvent soudain casser du mobilier urbain, détruire des vitrines et forcer l’entrée d’un ministère, agresser des journalistes, tabasser un professeur ou simplement vous tabasser parce qu’ils n’ont pas supporté que votre véhicule passe devant le leur dans une file de voitures; que des élèves désignent des enseignants à une vindicte qui les égorge dans la rue et qu’une autorité a «peur» d’imposer une minute de silence en hommage au sacrifié un an plus tard dans les établissements scolaires; que la haine et la violence se lâchent de façon anonyme sur les réseaux sociaux, où un jeune peut être sali et condamné à vie pour quelques mots, sans jugement, et qu’enfin, à l’échelle de la nation, le populisme, éternel allié stupide des fascismes – le noir et le rouge, embusqués jamais très loin – peut parfaitement et sans coup férir ou presque gagner la direction d’un pays, pour l’entraîner ensuite vers l’abîme...Anciens, reconnaissons les erreurs de notre laxisme! Jeunes, écoutez encore un peu vos anciens! Car vous allez vieillir, et votre progéniture vous demandera à son tour, n’en doutez pas, ce que vous aurez fait, ou plutôt n’aurez pas fait...Oui, il faut toujours regarder avec une certaine bienveillance la jeunesse, en se demandant toujours qui l’a éduquée... pour lui souhaiter de mieux réussir à éduquer sa propre descendance.